S’il est évident que Scorn Defeat dispose d’un certain nombre d’atouts à faire valoir, ce premier album des japonais de Sigh est tout d’abord entré dans légende comme étant le seul groupe non-scandinave à être sorti sur l’éphémère label Deathlike Silence (… d’Euronymous, Mayhem, tout ça, normalement vous situez l’histoire), quelques mois après les événements tragiques que l’on connait, d’ailleurs… ainsi que l’un des premiers groupes metal extrême ayant émergés de l’archipel. Et dès ce premier album, à un stade embryonnaire mais déjà bien marqué, on retrouve la patte étrange de Sigh, à savoir le mélange entre une dévotion sans faille envers les pionniers du black-metal (Bathory et Venom en tête, probablement Samael pas loin derrière) qui se ressent tout au long de l’album, et d'une exubérance singulière, avec l’intégration d’éléments improbables issus des nombreuses influences de Mirai, de la musique baroque au thrash old-school, en passant par le doom ou des éléments de rock psyché pour le moins inattendus sur un disque estampillé « seconde vague du black-metal », le tout étant parfois intégré de manière abrupte et imprévisible (cf. ce solo improbable sur « A victory of Dakini »)… et quand bien même cet aspect iconoclaste reste ici assez contenu, si on se rappelle qu’à cette époque la simple intégration de claviers dans le black-metal était assez mal perçue, on imagine bien à quel point Scorn Defeat fût un disque détonnant dans le milieu, avec ses incursions grandiloquentes de clavecin, de piano ou… de flute ! Néanmoins, encore très ancré dans ses racines, le black- metal de Sigh vise avant tout ici à instaurer une ambiance morbide, et loin des déluges de violence qui commençaient à émerger à l’époque, sa musique demeure majoritairement mid-tempo, et on sent que le groupe privilégie l’ambiance à la brutalité, à l’image des vocaux singulièrement éructé de Mirai, qui prennent parfois un ton très théâtral, bien plus malsain qu’agressif. L’album offre donc de véritables moments de black visionnaire, comme le doublé « The knell » / « At my funeral » suivi par un interlude crépusculaire, mais le disque faiblit un peu par la suite, comme sur le sympathiquement doomy, mais un peu trop long, « Ready for the final war », où le groupe se fait parfois un peu plus primitif par rapport au potentiel créatif que l’on percevait sur les premiers titres. Tout compte fait, Sigh témoigne déjà dès ce premier album d’un potentiel énorme et d’une personnalité bien affirmée qui se confirmera par la suite, et Scorn Defeat constitue sans doute une très bonne entrée en la matière pour commencer à explorer l’univers de ces étranges alchimistes nippons, ce qui le rend très recommandable, au-delà de la seule curiosité historique.