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Jane's Addiction › Nothing's shocking

cd • 11 titres • 45:13 min

  • 1Up The Beach3:00
  • 2Ocean Size4:20
  • 3I Had A Dad3:44
  • 4Ted Just Admit It…7:23
  • 5Standing In The Shower… Thinking3:03
  • 6Summertime Rolls6:18
  • 7Mountain Song4:03
  • 8Idiot’s Rule3:00
  • 9Jane Says4:52
  • 10… Thank You Boys…1:00
  • 11Pig’s In Zen4:30

informations

Enregistré par Dave Jerden et Ronnie S. Champagne, assisté par Andy Harper et Jeff Pirgeorge, aux studios Eldorado, Los Angeles. Mixé par Dave Jerden et Perry Farrell aux studios Post Logic, Hollywood. Masterisé par Steve Hall aux studios Future Disc. Produit par Dave Jerden et Perry Farrell.

line up

Eric A. (basse, guitare acoustique), Perry Farrell (voix), Dave Navarro (guitares électrique et acoustique), Stephen Perkins (batterie, percussion)

Musiciens additionnels : Flea (cuivre sur 8), Angelo Moore (cuivre sur 8), Christopher Dowd (cuivre sur 8)

chronique

De la wha partout, là-dedans, coulante, perçante comme en soixante-dix et quelques unitaires. Les mecs – c’est entendu – ont du se gaver de Led Zep : le III, le IV , au moins, voire Houses of the Holy, même, avec son louche trip en pochette et ses structures travaillées, piégées, imparables ; ou mêmes des vieux Aerosmith et machins avoisinants – eh ouais – pour les riffs lubriques, leurs variations qui tournent en titillant autours du point sensible. Mais dites… Ça ne raconterait pas tout autre chose, pourtant ? Ce décalage même, au bord du dérisoire : surfeurs gaulés qui s’agitent en pattes d’eph’ à rayures et dreadlocks, en jouant comme ça – hardrock psychédélique, eh, pas qu'un peu – ça ne serait pas autre chose que du plat sarcasme ou de la duplication, de la déclinaison sans imagination ? Il n’y aurait pas idoine angle d’attaque : pour fracturer, tirer de la faille le jus, la substance, se planter ailleurs que chez ces anciens ? Vous ne sentez rien, dans l’atmosphère qui poisse, tous les cachets gobés, qui soit mélancolie, chaleur qui soient exactement de leurs jours ?

Jane’s Addiction, à mon sens – et Nothing’s Shocking en particulier – n’est pas anachronie. Même pas uchronie, à vrai dire. L’idée, il me semble, n’était pas, chez ces types – au moins dans cette période d’avant le split puis la reformation – de faire comme si. Comme si l’ère hippie n’avait pas foiré. Comme si le glam était un truc sans revers. Comme si tout avait continué. Pas besoin, au vrai. Cassé ou pas, le délire des ainés avait laissé des traces. Un fossé, oui, aussi. Une tranchée sale. Evidemment, l’illusion passée que ça allait tout sauver – les buvards et les pilules et les célébrations – beaucoup, dans les jeunesses d’après, n’avait pas renoncé aux nouvelles défonces découvertes. Certaines niches de certains commerces effondrées, dévoilées, d’autres qui n’en avaient pas connu l’heure glorieuse pouvaient s’emparer de leur routine pour rechercher, monnayer l’oubli temporaire : de l’ennui, de la lourdeur de ces jours désormais tristes. L’usage récréatif, comme on dit – avec ce que ça implique de déception et de redescente bientôt assimilées.

Jane’s Addiction, en fait, est tout à fait de son temps. En avance, même, sur tant d’autres, d’une idée. Perry Farell n’est pas un rogaton de Robert Plant, qui serait né trop tard et beaucoup trop à l’Ouest. Son timbre est foutrement spécial, différent. L’ironie de ses textes n’a pas cette morgue couillonnement virile. Celle qui transpire dans les poses – mais oui – de tous les membres du groupe garde toujours cette part d’ambigu. L’émotion malmenée, sous le théâtre, semble toujours prête à l’affleurement. Une compassion un peu distante. Jane’s Addiction, aussi, à ce côté transgenres – dans tous les sens du terme – qui tranche complètement sur ce qui se jouait au même moment, dans ce même coin de la Californie. Voyez ce déploiement décadent : cabaret, pole-dance, lumières bleu intime pendant que ça joue devant, que ça envoie torses nus, muscles secs au reliefs plastiques. Souvenez vous de ces histoires de types qui se roulaient des pelles sur scène… Promiscuité est le mot.

Il faut se rappeler que 1988, c’est aussi l’année de sortie de Guns’n’Roses Lie ; celle où Metallica balance l’implacable machinerie And Justice for All, également. Artillerie aux futs glacials, pour ceux-là, où la souffrance humaine est une histoire de guerres ; grand show glitter à la testostérone pour ceux-ci, où l’on craque les allumettes pour le simple plaisir de voir s’enflammer la pellicule d’hydrocarbures plaquée sur les boulevards qu’illuminent les néons. Nothing’s Shocking n’a pas besoin de nier tout ça. De vouloir rivaliser ni de se démarquer. Ce que trouvent ces types, en sautant en arrière, une décennie, quinze ans plus tôt, pour ramener des sons, des façons de marquer le rythme, c’est dans le fond ce qu’allait viser, juste après et plus au nord, nombre de ceux qui allaient écoper de l’appellation grunge – cet accident disparate, ce concept journalistique inopérant, pertinent par défaut et approximation. Mêmes courses à l’éclate – plombée d’aspirations homicides, suicidaires, les viscères malades ; mais d’une chaleur moins juvénile, ici, le sourire finalement moins crane, plus doux quand il annonce qu’au bout - il le sait - on tombera. Mêmes poursuites à l’overdose, sans doute ; sauf que non, ça ne sonne pas pareil, déflagration et riffs pesants, insidieuses escalades… Et Jane – celle de Jane Says – traîne le même malaise que toutes ces filles des jours d’après, qu’on verra trimballer leurs minois tristes et leurs morphologies planquées sous des étoffes. Seulement dans le même temps, Nothing’s Shocking est comme au-delà, déjà, de tout ça. De tout ce qu’eux tous en même temps allaient embrasser : constats mornes, amplis dégueulants d’ivresse ; désamours passionnés ; danses macabres et peaux irriguées. Il semble que ce disque – dans une forme moins relâchée, plus complexe et construite ; plus fougueuse, aussi, paradoxalement ou pas – porte déjà en lui le désenchantement, la part de lucidité qui fera charge autant que fatigue sur le premier disque de Porno for Pyros, cinq ans plus tard, après que le présent groupe se soit dissout une première fois. Cette conscience, plus précisément, de ce que le peep-show – avec ses chairs fraiches, brûlantes, exhibées – a par essence et fonction de minable, d’éreintant, d’éreinté. De ce que le velours rouge a de râpé, d’usé. Avec cette aveu lâché en même temps, pourtant, cette éternel étonnement : que ces parfums et pantomimes vulgaires, salaces, entêtants, auront toujours l’attrait violent, exalté, accoutumance.

Ces gars là ne sont pas dupes. Pas tièdes, pour autant. Les strip-teaseuses, possiblement, étaient un peu avant leurs copines de lycée. Manson, pour eux – Charles, hein, l’autre ne pensait sans doute même pas encore à s’inventer – n’est même pas un héros en creux, une hantise héritée. Ils s’en foutent. Côté crimes en série, ils préfèrent édicter par allusion la platitude, la fatuité, la banalité d’un Ted Bundy – ce gommeux charcuteur aux ambitions médiocres, au profil pour média modernes. Seulement la chanson – Ted, Just Admit It – est une foutue flambée. Lente d’abord. Montée en panique, en excitation. Libération, gênante, dérangée. De l’époque directement à venir, le groupe, aussi, touche les aspirations en négatif. Pig’s in Zen : n’être surtout pas de ce ces cohortes gavées de mauvaises bouffes et de salvations faciles, vague bouddhisme à l’inconsistance New Age. Alors quoi ? Ces jeunes gens d’alors n’auraient pas été une poignée d’attardés bloqués dans un relent de patchouli frelaté ? Eh bien non… D’autres, plus brutaux, le geste plus direct – la même année sortait aussi, au hasard, How Will I Laugh Tomorrow…, de Suicidal Tendencies – cherchaient à exploser ceux qui, à contre sens, filaient mollement vers la tombe. Jane’s Addiction les saisissaient par d’autres moyens – accroches solaires, détail tordu au détours d’une phrase, d’un choix d’arrangement – pour les entrainer à danser encore, d’entre les morts et sans fascination pour les déconfitures annoncées, publiquement entérinées.

"Rien de choquant", c’est une manière d’antiphrase. Le seul moyen de vivre, c’est de tout foutre à l’envers. C’est sur le fil, les fumets érotiques et celui de la charogne ; ça n’est jamais très loin, de part ou d’autre de la bascule. C’est peut-être un mensonge avoué ; ou bien un bout d’énigme, de réponse, d’indice, malicieusement passé. C’est curieusement à vif, en guise de stupéfiant. Ça enflamme les tissus. Ce n’est en retard de rien, ça se détache sur le fond gris. Vous les trouviez vraiment babos, les siamoises incendiées ?

note       Publiée le lundi 8 juillet 2013

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nowyouknow Envoyez un message privé ànowyouknow

Quant à moi j'accroche sans accrocher mais Summertime Rolls emporte là ou il faut.

nowyouknow Envoyez un message privé ànowyouknow

Ça sonne comme ce que j’imaginais du groupe pre-Pearl Jam dont j’oublie le nom avec l’autre chanteur (Ed: Mother Love Bone), d’après ce que j’ai pu en lire. Un pied dans le hard 70’s à la zeppelin mais on a surtout l’impression d’être déjà sur MTV dans les 90’s avec Kurt, Pearl Jam ou les Red Hot. Y’a quand même un feeling particulier, un côté dense et hanté, un peu psyché..

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Nicko : Hmmm... Question de point de vue/goûts/préférences. Pour moi la prod, le son, ont beaucoup moins pris un coup de vieux que, au hasard, du Guns de la même époque, ou tout le glam-metal qui courrait les radios de cette ère pré-grunge... Et qui pour moi sont les trucs qui s'écoutent "gentiment", comme tu dis, mais qui à mon oreille sonnent souvent assez ringue, pour le coup... Et d'ailleurs, cette prod, je ne la trouve pas franchement "typique fin eighties", au contraire je trouve qu'elle tire justement vers le "retour à l'organique" où va pas mal plonger le grunge ensuite, et oui, toute une partie du rock/metal alternatif américain - c'est à dire sans pour autant prétendre que "l'organique" impliquerait qu'on bannisse toute modernité, qu'on fasse comme si l'électronique (passé celle des micros et des amplis) c'était le diable etc. ... On n'est pas dans un revival jackwhitesque, quoi, ni même dans le purisme à mon avis un poil borné d'Albini, précisément dans ces années (... ah, et ensuite encore, me souffle-t-on).

Donc bon... Je maintiens le 5/6 - sans m'indigner qu'on puisse ne pas s'y ranger hein - après tout chacun ses fi-donc (j'ai les miens aussi, encore une fois).

Note donnée au disque :       
torquemada Envoyez un message privé àtorquemada

Dave Jerden a eu la chance de bosser sur quelques albums à cette époque où les compos sont suffisamment fortes pour faire oublier un son un peu trop 80’s (« Facelift » ou « Symbol Of Salvation » en plus de celui-ci) !

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Nicko Envoyez un message privé àNicko
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Découvert sur le tard, la prod a vachement vieilli. On sent ce vieux son de la fin des années 80 alors que le style est plus novateur, tourné vers le rock alternatif des années 90. J'ai mis beaucoup de temps à l'apprécier. Après, ça s'écoute gentiment, mais sans être un chef d'oeuvre non plus

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