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Golem Mécanique › Medea

k7/cd • 4 titres • 27:17 min

  • 1Medea9:44
  • 2Polynice3:12
  • 3Eumenides7:02
  • 4Melpomene7:19

informations

Mixé et masterisé par Alexis Degrenier.

Artwork : La Tòrna/Standard Infi Visuals (K7), Jonathan Gowthorpe (CD). « Pensées pour Pier Paolo Pasolini, Maria Kalogeropoulos, Jérémie Sauvage, le Désert, Matthieu Tilly, l’Immensité, Alexis Degrenier et la Montagne Sombre. »

line up

Golem Mécanique (musique, voix, boîte à bourdon)

chronique

Médée – épouse courroucée (répudiée) de Jason l’argonaute, qui assouvira sa vengeance en recourant à d’atroces poisons, à la magie de dieux anciens, reniés dans la citée des maîtres. Infanticide. Polynice – fils incestueux d’Œdipe et de Jocaste. Renié, chassé, qui périra devant une Thèbes dont il avait hérité le trône avec son frère, tenant le siège de son propre berceau. Les Euménides – divinités furieuses, sœurs grecques des Furies latines. Melpomène - muse du chant, de l’harmonie… de la Tragédie, aussi, qui tient dans une main des insignes de gloire et dans l’autre un poignard, une lame ensanglantée. Quatre figures violentes ; quatre plages ; et pourtant, dans ce cycle, nul fracas discordant. Le verso du digipack cite la Médée d’Euripide – mais aux dires même de la Golème, c’est à la version de Pasolini, plutôt (où Maria Callas incarne la vengeresse), qu’elle vient puiser, animer ce mythe.

Il y a une noirceur certes, une gravité, dans cet ouvrage – à vif mais tranquille, trop alertée, trop de ce monde (immanente) pour verser, de justesse, dans la solennité. Cycles de voix et bourdonnements – drones et mélopées – qui énoncent des destins terribles en toute lenteur, mais voix presque tendres, consolatrices… Amies, dirait-on – marchant avec elles, lui, vers les saccages, les meurtres, puis à la fin, l’abolition. Calme – parce qu’épousant l’inéluctable, on y voit le tort premier, ce à quoi cette violence répond. Et qu’il n’y a plus qu’à accomplir – plutôt qu’à se rendre, qu’à donner raison à ce qui vous a banni sans le blesser, reprendre ce que l’Histoire, les vainqueurs, les puissants, la morale avait arraché. Ici, Golem Mécanique délaisse – ou épure, affine le trait en l’affermissant – les procédés les plus distinctement « concrets » (de la musique du même nom, de cette, de ces écoles) à l’œuvre sur d’autres disques, avant (Housni, Virginie, le Chant IV et Le Diable…). Ce ne sont plus ces échantillons, ces bandes (cassettes) montées, le signal travaillé, ce travail audible dans les étirements, l’amalgame, les fragments déformés – certains usés comme de mots, répétés, différemment traités, itérés, d’une pièce sur l’autre. Sa voix à elle, aussi – prise comme voix à part entière, comme chant, pas comme matériaux au même statut que les field-recordings, que les autres moreaux prélevés – est cette fois plus en avant, plus directe, davantage, réellement chantée (comme elle l’avait annoncé). Très peu d’autres éléments, finalement, semblent faire la substance de ces plages – une boîte à bourdon (sorte de vielle à roue mécanisée, un moteur entraînant la roue sans que la main, ensuite, n'ait besoin d’intervenir), quelques notes de cordes pincées, une reverb qui étend la voix, en change la perspective. Des superpositions, le chant doublé, triplé – mais sans foison, confusion, chaque ligne restant nette, distincte dans l’harmonie (oui, décidément) ainsi créée. Rien qui tremble, à vrai dire, qui floute. L’assombrissement qui tombe, enveloppe, dans cette économie particulière, amené par cette rareté des sons ; et ainsi de l’espace (celui d’une respiration vaste, lente, profonde) où la pièce s’éploie ; la limpidité de ce qui s’y découpe, y chemine.

Pièce inquiétante et méditative, encore – certaines sources donnent d’ailleurs la racine du nom (Médée) et celle du mot « méditation » comme la même, comme celle, aussi de « médicament », « médication ». (Rappelons aussi qu’en plusieurs langues, les remèdes et les poisons, on y revient, sont désignés, dans leur ensemble, d’un même terme). Pièces d’une beauté qui serait presque immobile – si elles n’étaient parcourues de cette hantise palpable, si elles n’invoquaient pas ces gestes fatales, n’en reflétaient pas l’injonction. Ou bien est-ce celle de s’en défaire, de s’en libérer ? Marque d’une pensée, d’une sensibilité, peut-être, qui savent que le monde n’est pas un endroit sûr ; pour quoi toute création, partant (sans majuscule oui… merci) ne peut se tenir qu’encontre et avec ça (comme dans « faire avec » ; avec toute la richesse que ça peut, en retour, donner à l’expression) ; en mouvement et en signes fixes, indices fixés sur ce qui se fabrique, se trame (et toute œuvre, alors, est une trame).

Mais enfin, je ne sais pas, j’ai dit « peut-être » – et j’aime aussi, ici, chez Golème, que le mot « mystère » ne soit pas une bête énigme biblique, une pantomime qui expliquerait, articulerait un dogme sous les voiles d’une fausse herméneutique, un test à seulement déchiffrer. J’aime cette impression, aux histoires ici contées, qu’il ne m’est pas soufflé, suggéré de me réjouir ou de me désoler de ce qui s’accomplit, de ce qui sombre – qu’elle (Golem) me laisse seul, face à elles (ces quatre pièces). J'aime me dire, aujourd’hui, qu’hors de toute panique, le seul mot qu’elle me passe serait plutôt : « Attention ».

note       Publiée le samedi 4 avril 2020

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