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QT › Hey QT

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  • 1Hey QT (Original Mix)3:55

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Artwork : Diamond Wright. (la sortie du morceau s'accompagnait d'un remix de Diplo offert en téléchargement gratuit)

line up

A. G. Cook, SOPHIE, Hayden Dunham (Quinn Thomas dans le clip et sur scène)

chronique

  • bubblegum-bass conceptuelle

Hey QT t’es qui ? Hey mignonne, t’es personne ! Quinn Thomas, t’existes pas. Ca se voit sur l’artwork, une fille comme ça, ça n’existe pas. Trop synthétique. Trop plastique. Avec cette pose de mannequin de magasin. Dans le clip aussi, il faut la voir. Qui elle ? Puisque Quinn Thomas n’existe pas. Alors il a fallu lui donner un corps. C’est celui de Hayden Dunham, artiste et performeuse américaine qui s’en charge. Sur scène, parce que Hey QT sera jouée sur scène, elle ne fait que du playback, bien sûr. Car sa voix, même sa voix, est-ce la sienne ? Ou alors c’est encore un coup de A.G. Cook, fondateur de PC Music, et SOPHIE, allié.es de circonstance sur ce projet qui va nécessiter, cette fois, de déballer un peu l’attirail conceptuel. Y a le morceau, bien sûr, mais il n’est qu’une partie de l’équation. Une petite bombinette de bumbblegum-bass, c’est à dire bondissante à voix féminine (vraiment ?) pitchée à l’excès, avec des sons bien kawaii et un refrain répété ad-libitum pour qu’il rentre bien en tête. Il s’en dégage malgré tout une étrangeté, une froideur, une absence totale d’âme. Avec une construction beaucoup plus directe et, disons-le, carrément racoleuse que les architectures sonores tordues habituelles de SOPHIE, avec aussi cette montée par paliers qui empilent encore et encore ce leitmotiv, « Hey QT ! », comme un slogan. Pas la moindre trace de la mélancolie en creux qui habite même les morceaux les plus apparemment mignons de Hannah Diamond par exemple. C’est de la bubblegum-bass calibrée pour one-shot ton cerveau. Mais ça ne suffit pas. L’inconnue est dans le clip, raison-d’être du morceau. On sait déjà que Quinn Thomas est une création virtuelle, une idole pop créée de toute pièce, vieux fantasme qui a déjà nourrit l’industrie culturelle. Dans le clip, QT apparait en double, sa plus humaine représentation enfermée dans un laboratoire où toutes ses émotions sont captées par les machines. Récolte de data, l’or numérique de notre futur proche. Mais voilà qu’au refrain apparait une autre QT, dans un espace vide, qui semble synthétiser tout ça sous forme d’une chorégraphie aux mouvements et à la perfection d’exécution troublante. Si la Quinn Thomas du labo semble encore humaine à travers ses expressions corporelles, son double dansant bouge comme un de ces robots trop parfait, trop humain, une copie qui colle le malaise. De la Sillicon Valley à l’uncanney valley. Comme le morceau, le résultat n’est même pas sexy, il est juste… bizarre, mais bizarrement hypnotique aussi, impossible de détacher le regard. Alors que les paroles du refrain, elles, jouent une sorte d’érotisme à distance (et donc comme toujours, virtuel) : « Je sens tes mains sur mon corps chaque fois que tu penses à moi. ». Mais qu’est-ce que nous vend ce morceau sinon lui-même, comme il est dit aussi dans le dernier couplet « J’ai cette nouvelle chanson et c’est la seule que je veux passer. » ? Le coup de force du clip arrive au bout des trois minutes, temps largement suffisant pour avoir été déjà abreuvé jusqu’à l’écoeurement du refrain. En didactique, on appelle ça du drill, on te répète cent fois la même chose jusqu’à ce que se soit devenu un automatisme. C’est une façon de faire assez abrutissante héritée des approches behavioriste (j’avais prévenu). Ben la pop c’est pareil, le but c’est d’avoir un refrain bien catchy, aussi con soit-il, pour qu’il incite à acheter la chanson. « Evidemment vous écoutez des conneries des conneries toute la journée, vous finissez par les acheter !… Vous n’êtes pas raisonnables non plus. » disait Coluche (ça va là comme référence ?). Retour au clip. À trois minutes, alors que le morceau semble se reconcentrer sur lui-même avant de passer au dernier palier d’intensité sonore, coup de génie puisque c’est à ce moment même que l’image synthétise l’inconnue de l’équation et dévoile le pot aux roses, la vérité apparait dans toute son horreur : Hey QT est un spot de pub. À la danse stérile de la deuxième QT se superpose l’image d’une canette de ces boissons énergisantes, genre Monster ou Red Bull (il est toujours important de citer des marques). C’est une danse du serpent qui accompagne le rabâchage pop pour vendre une putain de cannette d’energy drink. La fin du clip dévoile enfin son produit, avec slogans de circonstance et présentoir humain en métis de boys-band. Sauf que le détail primordial, c’est que le produit en question n’existe pas. « Hey QT » est un single/spot de pub mettant en scène une idole pop virtuelle pour promouvoir une boisson imaginaire. Il y a pourtant un vrai placement de produit dans le clip, le fameux casque Beat by Dre (soooo 2010) porté par la « vraie » Quinn Thomas dans sa cage connectée. Mais est-il là comme support publicitaire réel ou comme élément de discours sur la nature publicitaire de la pop ? Mystère. Au final ça revient au même, car il sera identifié. L’ironie est inopérante. Dernier maillon de la chaine qui boucle la boucle en anneau de Möbius : pour accompagner la promotion du single d’une idole virtuelle qui fait la publicité pour une boisson énergisante qui n’existe pas, une vraie boisson énergisante sera synthétisée et mise en vente durant les performances de Quinn Thomas (incarnée par Hayden Dunham). Le produit vanté dans une publicité imaginaire s’actualise ainsi dans notre univers à nous, le réel, pour promouvoir ladite publicité imaginaire. Mais ou est le produit en question à la fin ? La chanson ou la boisson ? Le casque Beats by Dre peut-être ? Tout rebondit sur soi-même (est-là la qualité « bouncy » de QT vantée dans le clip ?), tout n’est plus que pur produit de consommation. Theodor Adorno aurait adoré. Enfin non, il aurait détesté mais ça illustre parfaitement son concept de Kulturindustrie (j’avais vraiment prévenu). Ce n’est pas un hasard si SOPHIE sortira la compilation de ses premiers singles sous le titre « Product ». Reste que le morceau lui-même est un banger de bubblegum-bass aussi crasse qu’irrésistible (normal, c’est FAIT POUR ÇA) et que quand tu auras tout bien compris du sous-texte, du discours, de l’aspect conceptuel de la chose, ben c’est TROP TARD. Tu l’as dans la tête, tu ne veux plus écouter que ça et en plus, en plus, ça te fait plaisir. Toute résistance est futile.

note       Publiée le vendredi 3 avril 2020

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