Sol Invictus › Trees in winter

C’est le premier avril mais comme c’est la date d’anniversaire de la mort de Rozz Williams et que les bars sont fermés depuis presque trois semaines, Twilight, il est pas jouasse et il a pas envie de rire alors il chronique ‘Trees in winter’ au moment où les beaux jours reviennent…Paf ! ‘English murder’, ‘Sawney Bean’, on rigole moins, hein ? Ca commence fort niveau ambiance. Effectivement, l’intro de ‘English murder’ évoque une après-midi grise et pluvieuse au bord de la mer au pied d’une falaise…Grincements de guitares, vocaux lointains, étouffés, grosses caisses noyées de brume, bruits menaçants, tout pour poser un décor bien glauque sur près de quatre minutes puis les cieux paraissent s’ouvrir d’un coup…La chape de plomb s’allège…Pauvres fous ! Oui, le ton est plus clairement dark folk avec guitare sèche, basse, violon, chant mais les cordes sonnent maladives, tristes, comme des vagues mourantes…Niveau ambiance, mélodie, voilà de la très grande musique comme sait en produire Sol Invictus. Le titre suivant…Bon sang mais, mais…Oui, c’est bien ça, c’est celui qu’on retrouvera dans une version plus martiale sous le nom de ‘The man next door is strange’ sur ‘The killing tide’. Une tuerie, même en version épurée, qui tourne pourtant sur la même boucle descendante jouée par tous les instruments; le chant de Ian Read apporte aussi une touche plus douce. La suite de l’album explique clairement pourquoi le groupe trône sur le podium d’arrivée du dark folk toute catégorie, toute époque confondue…Dans ses déclinaisons martiales (‘Gold is king’, ‘Here we stand’, le brillant ‘Looking for Europe et sa rythmique menaçante, tendue) et des aspects plus mélancoliques (le bouleversant ‘Michael’ proche d’une ritournelle post-médiévale, ‘Sawney Bean’). En deux ans à peine, Tony Wakeford et ses acolytes ont délaissé toute trace de post-punk (encore qu’on argumentera que l’aspect tribal des rythmiques vient de là…) pour créer une musique unique aux atmosphères incroyables mais avec des mélodies très fortes aussi. Peu d’éléments, des structures assez minimales, un chant au registre limité (celui de Tony, pas celui de Ian) et pourtant, c’est imparable, intemporel, d’une force irrésistible. Historiquement, Tony Wakeford a depuis peu quitté le Front National Anglais, comprenant que l’amour de la culture européenne se trouve en soi-même (le refrain de ‘Looking for Europe ‘est sans équivoque, ‘But if you're looking for Europe, best look in your heart’), d’où peut-être cette force des sentiments, cette profonde introspection quant aux valeurs essentielles qui se traduit rapidement dans la carrière du groupe par une identité claire et sincère aidant également à comprendre les raisons de la brouille entre Douglas P. et Tony Wakeford. Le deuxième est un britannique, authentique, amoureux d’une Europe intemporelle, même si peut-être un brin sublimée, ce qui l’a conduit à ouvrir ses intérêts, sa musique, d’où des collaborations incroyables; le premier est avant tout un misanthrope aigri qui referme plutôt son cercle artistique. En un mot comme en cent, c’est selon moi avec cette excellente galette que Sol Invictus inaugure vraiment une carrière qui ne comptera pratiquement aucune faiblesse.