Vous êtes ici › Les groupes / artistesSGiacinto Scelsi (1905-1988) › Uaxuctum

Giacinto Scelsi (1905-1988) › Uaxuctum

cd • 5 titres • 19:57 min

  • Uaxuctum
  • 1I6:27
  • 2II4:01
  • 3III2:37
  • 4IV3:10
  • 5V3:42

informations

Enregistré en avril 1989, en l’église Sainte Catherine, Cracovie, par Krysztof Drab et Lech Dudzik.

L’œuvre – Uaxuctum, la légende de la Cité Maya détruite par eux-mêmes pour des raisons religieuses – écrite par Scelsi en 1966 (pour chœur mixte, clarinette en mi bémol, clarinette, clarinette basse, 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, tuba basse, tuba contrebasse, sistre, 7 percussionnistes, timbales, vibraphone, ondes Martenot, 6 contrebasses), n’a été créée qu’en 1985 (le 12 octobre ; concert de la Société Internationale de Musique Contemporaine (SIMC) de Cologne, par les Chœur et Orchestre de la radio de Cologne, sous la direction de Hans Zender). Cette version présente le premier enregistrement mondial de l’œuvre. Elle est précédée, sur le CD, par les Quattro pezzi su una nota sola (écrites en 1959) et par Anahit (poème lyrique dédié à Vénus, pour violon et dix-huit instruments, écrit en 1965). Toutes ces œuvres se retrouvent également sur le coffret 3CD Giacinto Scelsi, Œuvres pour Chœurs et Orchestres, sorti en 2003 (Accord/Universal/Universal Music France, cote : 476 1072), dont elles constituent le deuxième disque.

line up

Choeur de la Philharmonie de Cracovie, Tristan Murail (ondes Martenot), Orchestre de la Radio-Télévision Polonaise de Cracovie, Brnoislawa Wietrzny (chef de chœur), Jürg Wyttenbach (chef d'orchestre), Irena Urbanska (soprano), Jadwiga Jakubiak (soprano), Josef Dwojak (ténor), Krysztof Szafran (ténor)

chronique

Terrible pièce ! Uaxuctum expose, nous y plonge – plutôt qu’elle ne la raconte – une destruction ; finale, règne qui sombre, hécatombe. Mais… Volontaire. « La légende de la Cité Maya détruite par eux-mêmes pour des raisons religieuses ». Ces motifs-là ne nous seront pas dévoilés. L’œuvre n’en dégage qu’une plus grande puissance, une plus fascinante gravité – un caractère d’inéluctabilité mais… Lucide. Ferme. Un rite dont on ne comprend pas les fins, les tenants ; aucune phase explicitée quant à ses moyens, son déroulement ; dont on saisit pourtant (et c’est lui, alors qui nous happe) l’impitoyable achèvement, cet accomplissement de ruine méthodique, temple par temple, maison, pierre… Habitant. Uaxuctum, pourtant, n’est pas que fracas – n’est pas chaos sans forme – encore une fois, la cérémonie suit, on le sent, un drastique agencement. De longues minutes étales y vibrent comme la surface à peine voilée, ridules, frémissante, d’un liquide opaque, enveloppe inquiétante, obscure. On s’y prépare, on s’y tient immobile, invoquant par des souffles ceux à qui, ce à quoi l’on va sacrifier. Les officiants, tout un peuple peut-être. Le premier mouvement s’ouvre par un drone, que vient faire béer un appel de trompe – incantation, signal, voix qui remonte du ventre de la terre pour décréter qu’on entame cette ultime geste, pour débuter cet ultime drame à même la vie, la ville, cette existence de tous réglée par les Calendriers. Rarement, le vocabulaire de Scelsi – qu’une critique, une école partisane (post-sérielle intégrale ?) aurait tendance à tenir, calomnieusement, dans ce cliché d’une morne réitération de glissements sur un demi ton, étiré sans fin (avec pour chaque œuvre sa hauteur de départ et nulle autre variation) – se sera à tel point déployé, que dans ces épisodes. En timbres – les vents d’orchestre symphonique se muant là en cornes et rhombes, instruments anciens, antiques, retrouvés… inventés ; les percussions (timbales) modulant leur tension, créant des nappes presque infra-graves, halo subsistant autour des battements sourds. En dramaturgie, donc – ce chœur dont les flottements en canon micro-tonal, les effets de battement qui font osciller la matière sonore (pendant que l’orchestre pulse en sourdine, en cadences elles aussi subtilement déphasées, dynamique complexe en métriques proches superposées ; mais scansion palpable, cyclique, dans ces décalages, cet art des multiples où la mesure retombe ensemble parce qu’une syllabe, un trait, s’allonge ou se contracte quand le reste suit son cours inchangé). En profondeurs de champs – espace en dimensions (alors qu’aucun procédé d’enregistrement, de restitution, de diffusion particulier n’est mis en œuvre, ici – pas de multipoint pour recréer l’espace acoustique d’une salle, de l’église où cela s’est joué, d’une interprétation in vivo, seulement le gauche/droite de la stéréo). C’est une question de proportions, sans doute, d’empan – tragique, grandiose – de l’événement parfaitement rendu par la partition, par sa performance. Prophétie rêvée – encore une fois inventée, réinventée. Aucune prétention à faire revivre un matériau authentique, hypothétique fragment précolombien qui, aurait voyagé jusqu’à nous (jusqu’à lui, Scelsi), échappé par miracle, lui, au feu d’immolation, à l’effondrement perpétré. Mais prophétie, disais-je – dont l’Italien ne prétend sans doute pas plus que restituer l’indice, l’intuition qui l’aurait traversé, visité. (Et encore… Je n'avance ceci, à mon tour, qu’en hypothèse – invérifiable, fantôme d’explication de cette inexpliquée cohérence, concrétude d’Uaxuctum… Comme l’image, la mémoire ravivée, transportée, de cette fin d’un monde soudain sensible dans un autre, matérialisée – incompréhensible mais intacte, l’exactitude du déroulé, du déroulement de cette dernière heure, la perfection de sa trajectoire vers et dans l’abîme, indéniable, évidente, tout autant qu’indéchiffrable). Prophétie à rebours, certes – saut ramené, retourné, dans l’œuvre, depuis cet insondable passé, irrémédiablement étranger à nos jours. Pièce… Terrible, oui – parce que son pas, aussi, se poursuit, impassible, parmi les dissonances des voûtes qui se déchirent, du socle minéral qui ondule et se brise, de la cendre qui monte, et retombe – parce que cette marche ne cesse que pour accueillir le voile qui s’étend, enveloppe, s’abat sur la Cité, en silence éternel, tous signes rendus muets. (Et la forêt, autour, qui s’apprête à recouvrir ; alors qu’aucun prêtre, aucune victime aux entrailles-offrandes, ne peut plus entendre, ne peut plus lancer son cri ; alors que le nom de ce lieu se perd jusqu’à ce qu’un songe – un autre – le retrouve et le dise…).

Très bon
      
Publiée le vendredi 27 mars 2020

Dans le même esprit, Dioneo vous recommande...

dernières écoutes

    Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "Uaxuctum" en ce moment.

    tags

    Connectez-vous pour ajouter un tag sur "Uaxuctum".

    notes

    Note moyenne        2 votes

    Connectez-vous ajouter une note sur "Uaxuctum".

    commentaires

    Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "Uaxuctum".