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Kevin Drumm › Sheer Hellish Miasma

  • 2002 • Mego Mego 053 • 1 CD
  • 2007 • Mego Mego 053 • 1 CD digipack
  • 2012 • Mego Mego 053V • 2 LP 33 tours

cd • 5 titres • 66:26 min

  • 1Impotent Hummer*13:01
  • 2Turning Point3:32
  • 3Hitting the Pavement19:57
  • 4The Inferno24:36
  • 5Cloudy5:18

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informations

Enregistré en 2000/2001 à Chicago. Réédition (2007à masterisé au studio Phietopraxis, Köln, en décembre 2006.

Dédié à Malachi Richter. *Le titre Impotent Hummer est présent sur les éditions/rééditions de 2007 (CD) et 2012 (LPs) mais PAS sur l’édition originale de 2002.

line up

Kevin Drumm (guitare, bandes, micros, pédales, synthétiseur analogique, informatique)

Musiciens additionnels : Greg Kelley (trompette sur The Inferno)

chronique

« Pur Miasme Infernal »… D’accord : mais vu d’ici, l’Enfer m’a toujours semblé passionnant – à visiter, à explorer, à voir s’étendre, évoluer autour. Certes, on pourra convoquer tout le champ sémantique habituel – et celui de la dimension retenue (le miasme), de la progression gazeuse et magmatique, anarchique, chaotique, pénétrante. Les fumerolles, les brouillards dissolvants etc., les acides en suspensions dans l’atmosphère, entre les strates. N’empêche : je m’y suis toujours senti… bien, oui, ici. Jamais suffoqué, en fait. Dans un état comme méditant – rendu attentif aux plus infinitésimaux détails, dans ce paysage en fusion, en collapses permanents – effondrement de matières, progressions de masses par coulée qui engloutissent, mangent et aspirent, modèlent et consument l’espace. J’ai toujours retenu, de ce qu’évoque ce titre, davantage la dimension volcanique, éruptive, disais-je – catastrophe peut-être, lieux invivables normalement, inhabitables par nous, humains qui y cramerions, nous y vaporiserions vifs. Endroit coupé du monde par la violence de son mode même, mais sis en son cœur, à des coordonnées enregistrables, dangereusement proches de nos latitudes/longitudes domestiques et sauvages – et n’y progressant que par cette violence (les cendres laissées, ensuite, fussent-elles immensément fertiles). Mais… Rien là-dedans qui ait jamais sonné punition – châtiment mystique, mythologique, rien de religieux. Un monde de cataclysmes physiques – mais purement (ah !). L’image spectrale, fréquentielle, pour y plonger, ce disque – tentative de la passer (l’image) au stade de la matière, atomique, moléculaire, molaire. Pas vraiment conforme à ce cliché sur la noise : d’anti-musique, de destruction mise en œuvre de l’Art, sa subversion par ses propres moyens conceptuels, plastiques, techniques, technologiques, en héritière directe de l’indus des premiers jours (telle que théorisée par Genesis P.Orridge et consorts… histoire ressassée, là aussi). Non… Drumm, ici (et ailleurs) serait plus proche de KK Null, de Merzbow parfois, de certains travaux de field recordings modifiés, montés, modifiés au corps, à même la substance (Chris Watson ?). Même impression de se retrouver happé dans un écosystème à part, vers quoi le travail, la manipulation des paramètres – du son, donc, comme encodé pour toucher d’autres récepteurs que ceux « prévus », habituels, sensibles normalement par ce canal-ci (l’ouï), sur ces bandes de fréquences-là (de 20 à 20.000 Hz, en gros – notre ambitus d’écoute à nous, à vrai dire encore bien plus réduit que ça assez vite, à mesure qu’on vieillit, et très vite, selon les milieux, les conditions où l’on vit, aussi) – crée un passage, une trouée qui nous engouffre. A ce titre – paramètres, manipulations… – cette fois sans chercher à cacher qu’il s’agit de ça, de machines et de chiffres, de signal trituré, modifié dans le temps de l’enregistrement, de la performance. (On peut entendre au début de tel ou tel index les « bips » de défilement tandis que Drumm se cale sur telle ou telle banque de son, tel ou tel réglage d’une « étage », d’un maillon de son dispositif). Cette noise-ci – aussi « massive » soit-elle, aussi épaisse – fourmille de mouvements fins, de tuilages, glissements, changements de plans, de vitesses. D’événements subtils survenant – justement – dans son épaisseur, de permutations de poids entre ses éléments qui prennent le temps de muter – tellement qu’on a d’abord la sensation d’une fixité qui nous surplombe, élève, étire son ombre. (Et quand on se rend compte, ça nous a emmenés loin – ou c’est maintenant tout près, à nous en toucher le front, le torse, les membres). Magma, laves, disais-je – mais au fait, pour vous, pour chacun/chacune, ce seraient sans-doutes d’autres analogies qui conviendraient. (Selon les heures, les jours/nuits, les plages, aussi – le chaos concret de The Inferno, à l’instant même, m’évoque plutôt un déchaînement métallique, machines-outils lâchées, libérées, devenues autonomes – et cohortes, essaims déployés, vols croisés, collisions). L’effet est là, toujours – physique, encore une fois. Les signaux cérébraux stimulés – affolés ? Je le répète : il n’y a en tout cas là-dedans pour moi ni souffrance ni terreur, aucune nuance d’écrasement, de soumission à quelque bruit totalitaire, totalisant… C’est un plaisir, encore une fois, intense, violent, encore une fois désarmant en ce qu’il brouille la supposée délimitation du physique et du cérébral (comme si les ondes n’en étaient pas, du domaine physique… allons !) – mais ne relevant en rien d’un quelconque masochisme, expiation, purgatoire (… vraiment). De la noise fantastiquement riche, plutôt – solide mais insaisissable, impossible à figer ; ce qu’elle sonde et exhale même ainsi ralenti, rendu sensible, ramené dans nos zones perceptives. Je n’en vois pas tant, au vrai, qui y parviennent ainsi – des disques, des ouvrages. (Et j’aime aussi cette manière d’apaisement – de retombée climatique – au bout du maelstrom, qui ré-ouvre l’air libre, la teinte du ciel, en haut, qui recommence à filtrer alors que ça se dissipe).

note       Publiée le lundi 23 mars 2020

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    Cinabre Envoyez un message privé àCinabre
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    Merci pour la chronique en tout cas! C’est vraiment un incontournable qui a le mérite de se jouer des codes et des attentes. Et contrairement à beaucoup d’autres, il dégage une beauté (non?) très gutsienne et peut-être de ce fait plus abordables pour beaucoup de gens Ici que les autres monuments du genre qui sont plus directement liés aux formes d’expression les plus radicales du chaos bouillonnant, sexuel et violent qui se tapis dans l’humain. Particulièrement jubilatoire et débridé chez les japonais (uhu) mais qui prend des allures parfois très (très) malsaines chez les occidentaux, expression d’un mal-être plus directement intime ou de la misanthropie la plus profonde. La révolte abstraite, désirée pour elle-même pour les uns, la lutte contre soi face aux autres pour les seconds. Les deux me touchent profondément mais c’est quelque chose que peu de gens ressentent le besoin d’explorer, j’ai l’impression. À moins de devoir se libérer de quelque chose d’enfoui soit par les autres soit par nous-même? Culpabilité, la peur du monstre humain, du monstre machine, ou que sais-je encore... Très rarement quelque chose de « beau », d’agréable à entendre ou s’entendre dire tant qu’on en est pas vraiment libéré... Personnellement la Noise japonaise, c’était ma dernière carte à jouer quand la musique que j’écoutais me suffisait plus. C’était tellement le bordel dans ma vie qu’il me fallait une rupture avec tout. Même Converge ça marchait plus pour me donner de la force. C’était devenu vital pour moi de trouver autre chose comme exutoire au chaos que je ressentais quitte à mordre la poussière en chemin. A me casser les dents, comme un ado timoré qui s’enfilerait des films gore pour s’habituer à la vue du sang parce que le gugusse évidemment, son rêve de gosse s’était de devenir chirurgien alors que le pauvre il supporte à peine les piqûres. Je le conseille pas honnêtement, c’est pas efficace comme stratégie. J’avais juste rien d’autre sous la main. Alors bon on a pas besoin d’un truc comme ça pour se développer une passion aussi radicale, moi j’étais révolté contre moi-même et j’aimais l’art abstrait donc c’était une piste... après y a des mecs qui viennent de partout, mais la Noise en matière de révolte, c’est un peu le dernier arrêt pour moi. Sheer hellish miasma c’est quelque chose n’importe qui d’un tant soit peu gutsien peut trouver digne d’écoute. Alors on peut trouver ça chiant comme le dernier SunnO))) ou miraculeux comme un bon Pierre Henri, mais c’est de la Noise que je pourrais faire écouter à mes potes pour leur faire découvrir, je sais que ça va pas provoquer de rejet immédiat mais ça veut pas dire que je leur ferais bouffer quelque chose de fade pour autant. Ce disque est prenant et t’as pas besoin de te sentir l’âme d’un guerrier maori ou de te sentir bien dans tes caleçon pour te l’enquiller. Un peu comme Deathprod pour le dark ambient. J’y retrouve le même sens de la production et du mixage. Une certaine  « noblesse »? Non c’est pas ça... je me plante, c’est une grosse connerie. Peut-être plutôt que les deux projets donnent plus d’attaches émotionnelles aux personnes qui aime écouter la musique autant avec leur cœur qu’avec leur tripes. Parce que la peur et la violence gratuite faut pas se mentir ça vient vraiment que des tripes... Là, soudainement on touche à autre chose.

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    Damodafoca Envoyez un message privé àDamodafoca

    Magnifique album, et très belle édition vinyle.

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Eh ben... Content de lire que je ne suis décidément pas le seul à l'entendre comme ça. Oui, je disais "volcan", tu dis "montagne"... On disait : chacun(e) va y aller de sa métaphore propre mais c'en sera beaucoup moins une que pour d'autres œuvres - tant cette impression d'être emporté dans milieu vivant et autonome, avec tous les échanges et changements etc. qui s'y passent sans cesse, est vive, là-dedans. (A ce titre j'y entends un rapport avec le Crepuscular Hour de Maja S. K. Ratkje, que j'ai aussi chroniqué hier, presque dans la foulée, même si c'est encore une autre dimension. Je le rajoute en reco pour quand ils ne seront plus presque côte à côte sur la page d'accueil, tiens).

    Et merci pour vos commentaires, au fait, d'autant mieux venus dans cette période d'isolement/histoire collective des plus bizarres.

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    Cinabre Envoyez un message privé àCinabre
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    Je rejoins vos impressions. Le son est titanesque, érodé mais rarement abrasif, flirtant doucement avec l’extrême distortion sonore de la harsh noise, mais qui s’en éloigne complètement de par le ressenti et l’intention. Je pense que le mixage a joué un grand rôle là-dedans. La plupart des sons aigus qui sont liées à la fatigue auditive ont été soigneusement et subtilement filtrées. L’auditeur ne se sent plus ce sentiment d’agression débridée et ininterrompue codifiée par le genre. Ne reste plus que la puissance de la distortion, et le sentiment de ne plus rien devoir aux codes traditionnels de la musique électronique. Juste des superpositions, des enchaînements, une narration qui aurait plusieurs voix se fondant simultanément l’une dans l’autre dans un but qui dépasse l’auditeur, sans opposition comme il peut y en avoir dans le free jazz ou le bruitisme à la Hijokaidan mais toutefois bien distincts, chacun de ceux-ci ayant différentes fonctions dans le spectre de leur existence et dans leur mode d’expression. Une différence qui n’est ni en lutte ni l’expression d’un mal-être en somme... un peu comme une montagne et la vie qu’elle abrite. Parfois sauvage, parfois impassible, parfois impitoyable mais jamais cruelle. Une autre vision de la Noise: libre, puissante et symbiotique. Un monolithe entre les différents états du vivants.

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Oui, ça m'a frappé tout de suite, personnellement : comme avec son incroyable puissance, cette musique ne sonne pas du tout comme un châtiment, une machine guerrière. Bien plus indifférente - et massive - que ça, exactement. Et pour ma part, "le Truc" comme tu dis, ne m'a même jamais oppressé. Vidé, parfois, peut-être - mais c'était bien de charges qui devaient dégager plutôt qu'au sens "d'éreinter en faisant mal".

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