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Hüsker Dü › Zen Arcade

2lp • 23 titres • 70:17 min

  • Face A
  • 1Something I Learned Today1:58
  • 2Broken Home, Broken Heart2:01
  • 3Never Talking to You Again1:39
  • 4Chartered Trips3:33
  • 5Dreams Recurring1:40
  • 6Indecision Time2:07
  • 7Hare Krsna3:33
  • Face B
  • 8Beyond the Threshold1:35
  • 9Pride1:45
  • 10I’ll Never Forget You2:06
  • 11The Biggest Lie1:58
  • 12What’s Going On4:23
  • 13Masochism World2:43
  • 14Standing By the Sea3:12
  • Face C
  • 15Somewhere2:30
  • 16One Step At a Time0:45
  • 17Pink Turns Blue2:39
  • 18Newest Industry3:02
  • 19Monday Will Never Be the Same1:10
  • 20Whatever3:50
  • 21The Tooth Fairy and the Princess2:43
  • Face D
  • 22Turn On the News4:21
  • 23Recurring Dreams13:47

informations

Enregistré et produit par Hüsker Dü et Spot aux studios Total Access, Redondo Beach, Californie, en octobre 1983. « Whoever wrote the songs sings it, except for track C1. Track D2 is live-done track, no overdubs or funny stuff. Everything on the record is first-take, except for A1 & C4, which started too fast. We all throw chairs during track B2. There were only two out-takes from these sessions, ‘Dozen Beats Eleven’ and ‘Some Kind Of Fun’. The whole thing took about 85 hours, the last 40 hours straight for mixing. Carducci wants another album already, but not another double LP »

Artwork : Fake Name Graphx (Grant Hart)

line up

Grant Hart (batterie, voix, percussions, piano), Bob Mould (guitares électrique et acoustique, voix, chœurs, percussions, piano, basse), Greg Norton (basse, chœurs)

Musiciens additionnels : Spot (hurlement sur Standing By the Sea)

chronique

Après avoir repris Donovan (Sunshine Superman, sur Everything Falls Apart) puis les Byrds (Eight Miles High, sur le single ainsi nommé), les voilà qui sortent un double album… Hüsker Dü étaient-ils depuis le début des traumatisés des riantes sixties ? Des obsédés de la chute que ça et là on y annonçait ? Vont-ils, avec ce Zen Arcade, y aller de leur concept-album, de leur opéra-rock ? Sortir leur Tommy (The Who) ? Leur SF Sorrow (celui des Pretty Things… Bon, celui-là n’était pas double – mais tout aussi narratif et rempli à craquer) ? Leur Arthur (celui des Kinks ) ? Eh… Pas vraiment ! Certes, Zen Arcade semble bien suivre une sorte de trajectoire – dérive, parcours initiatique, mûrissement par la fugue, les épreuves, les expériences, douleurs et plaisirs, d’un même individu (probablement un jeune homme, sorti de l’adolescence comme eux l’étaient depuis finalement pas si longtemps). Mais le fil est lâche – et fait expressément pour que d’abord on s’égare avec celui-là (qui pourrait être une « celle », d’ailleurs – j’ai toujours eu l’impression que le truc n’était pas braqué sur un « modèle » exclusivement calqué sur eux, en terme de genre, sexe, milieux etc. ; ici, pour le protagoniste dont on parle, mais plus largement, Mould et Grant m’ont toujours donné l’impression d’avoir bien plus que d’autres la capacité de voir ce qu’ils racontaient « de l’extérieur », malgré l’angle, la manière toute personnelle). Trop d’infos. Trop de revirements, cassures de styles. Trop de notes qui débordent de la bande, de ses vingt-trois morceaux tassés sur quatre faces. Ça fait d’abord chanceler. D’autant que quand ils y vont fort, c’est pire que jamais – parce qu’ils ont encore appris à sculpter mieux ces matières brutes, brutales, à ralentir sans que la densité se relâche. Parce qu’aussi, ils osent cette fois en contrepoint l’acoustique ou presque – la bouffé qui fait que la plongé d’après on suffoque d’autant.

Bien sûr, tout ça est travaillé en amont – écrit, monté pour que cette mécanique à priori disparate tienne en fait le choc, lamine sur la longueur. Tout ou presque est joué, nous disent-ils (à deux départs trop rapides près) une seule fois – une seule prise par morceau, sans overdubs ensuite, parties rejouées, montages (autre que le séquençage des morceaux). Ça les oblige à jouer concentré, tendu plus que jamais – live mais sans la marge d’erreur du boucan public autour, sans excuse. On jurerait pourtant que dans le brouet ils se laissent l’espace de l’improvisation – les chorus braqués de Mould (à ce niveau-là ça ne s’appelle plus du solo au sens rock à l’ancienne, petit tour et puis s’en va ; ça tient de l’arrangement, de l’écriture en direct, au fil du matériau ; au contrefil piqué à vif, s’il le faut…), quelques notes de pianos comme jetées nonchalamment, comme si c’était seulement parce que l’instrument s’était échoué là, en bout de course, dans le studio.

Ça prend, ensuite, aux écoutes. Quelques flashes qui peuvent frapper avant le reste, trouées d’entrée qui nous la rendent bien, la perforation – pour moi ç’avait été avant toutes les autres Standing By the Sea, aussi déferlante, embrun sauvage, agitation océanique que le promet son titre (c’est à dire tout autant tourmentée et violente vue de près que vaste, majestueuse et pourtant pas désincarnée, ô combien, vue de haut, du rivage, d’ensemble… mais effrayant et magnifique parce qu’on ne peut pas le voir, l’ensemble, le total, le plus loin que l’horizon dont on perçoit la courbe). Et puis cette batterie presque jazz, ces cymbales flottantes, planantes… Pour d’autres, ce pourrait être aussi bien Hare Krsna, ses lignes de guitare à l’envers, ses drones d’un psychédélisme retourné contre l’enchantement – malgré tout séduisant, attirant comme le mantra factice qu’il est, avec son scintillement. Ou bien…

N’importe, à vrai dire : de fait, d’un bout à l’autre, le disque déploie ses formes diverses, sa foison, sous son air premier de foutoir DIY. Ses émotions franches – mais mélangées, contradictoires, qui font des tensions et de rares moments de joie claire. (Et franchement, je ne vois guère ailleurs qu’on ait gueulé comme ça « je ne t’oublierai jamais » sans que ça sonne comme une blague ; et sans qu’on sache, à ce point, si ça tient de la malédiction ou de la déclaration la plus enamourée). Une heure dix mais qui court – en une toute liberté aux traits, aux angles pourtant choisis strictement, pour porter où ça veut, où ils veulent aller. Une lucidité quant à ce qui se pète la gueule, ce qui se détruit irrémédiablement, aussi, dans la trajectoire racontée. Ce qu’on aurait dû voir venir depuis le début.

C’est peut-être ça, au fond, le lien réel avec les années soixante plus haut citées, ceux qu’ils avaient déjà repris : outre que ça cause d’un, d’une qui aura fui un foyer cassé – histoire commune à tant de hippie et à tant de punks crashés dans un squat ou l’autre, une décennie ou l’autre. Je veux dire… Cette préscience, cette intuition ensuite affinée, vérifiée à chaque étape, que le progrès, les nouveaux savoirs, la technologie, l’expansion… allaient aboutir forcément au désastre, à l’aliénation, qu’aucun loisir ne nous sauverait de la chute – qu’adhérer n’est pas une solution, une réponse. « Y’ a qu’à foutre les actus… ». (Watch the News – vu, entendu de ce jour, il sonne bizarre, le conseil. Espérons qu’en lisant ça plus tard, on ne comprendra plus où je veux en venir, avec ça…). Ça… Et puis cette latitude, donc, qu’ils se donnent, pour envoyer.

Avec au bout – comme en post-scriptum – ces quatorze minutes qui pètent toutes les courroies, s’emballent sans fin dans le rouge sans qu’aucun des trois ne quitte jamais le sillon du rythme, ne cesse d'épouser serait-ce en torsions viciées le jeu d’ensemble. « Rêves Récurrents ». Foutu réveil en sueurs glacées. Foutue réminiscence concrète qui nous coince dans son vortex bouclé… Reccuring Dreams (il y a Dreams Recurring, plus tôt sur le disque mais celle-ci ne nous prépare pas à celle-là ; pas plus – sûrement pas ! – que la sus-cité Watch the News, qui sonnerait presque comme du MC5 versant High Times, voire du glamrock marqué d’ecchymoses…). Non, vraiment, on ne la voit pas venir, le premier coup, cette piste bien spéciale. Instrumentale – mais qui crie plus net et saignant que jamais tout ce qui se compresse et se déprime tout le long du disque, avant. Jam qui cingle le corps et le bulbe, inflexions modales/free – comme chez Gregg Ginn de Black Flag (celui de la fin, qui disait s’envoyer de l’Ornette Coleman en intraveineuse, qui pouvait pondre un truc aussi tordu que l’EP The Process of Weeding Out) ; à ceci-près que personne ici n’est écrasée par la volonté d’un Maître, arborerait-il quelque défroque anar. Toujours impossible, cette plage, à la énième écoute. Toujours impitoyable. Toujours, à sa manière, rayonnante – par incandescence, ATTENTION LES MAINS. Attention les yeux. Sauf que bordel, c’est beau et plein, sans masochisme aucun (nonobstant, plus tôt sur le disque, Masochism World). Ça se permet le luxe de danser, d’onduler, cette réjouissante saloperie. Ça chante, les larsens, avec Norton derrière qui fait varier le débit de sa basse, pointille ou écoule fluide au grés ; Hart qui roule, fait tourner les toms comme des rotules, use encore de ses cymbales comme d’une nappe. Et presque au bout ça siffle, pendant qu’en dessous ça pulse en douce le flot.

Et ça s’abîme enfin – et on dirait que ça se lève, pourtant, comme affirmera le titre du suivant. Ça valait bien le coup de tenir toute une écoute, d’abord, de rester tout le temps du fracas – qu’ils broient toutes ces carcasses colorisées sur la pochette. Ça vaut toujours le coup d’y avoir pris plus qu’un peu goût.

note       Publiée le mardi 17 mars 2020

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Note moyenne        8 votes

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Y'a des jours où il ne fait pas de cadeau et un bien fou en même temps, ce disque... Bah voilà, c'en est un, là.

Note donnée au disque :       
Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

Les deux, mon capitaine! C'est un point culminant et aussi un point de départ pour beaucoup de groupes à venir, c'est certain. Et effectivement, le Fugazi que tu cites en fait partie. Un disque que j'ai connu sur le tard alors que Husker m'était familier depuis ma fin d'adolescence. Jamais trop tard pour relier les points, comme les enfants.

Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

New Day Rising, titre hardcore d'école ou matrice de toute la descendance post hardcore emocore? Parce que, ouais, In on the kill taker de Fugazi me paraît au même endroit du spectre intensité/beauté...

Note donnée au disque :       
Shelleyan Envoyez un message privé àShelleyan
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Vos commentaires ont eu l'avantage de me rappeler que leurs disques ne sont plus si évidents à choper. Commandé celui-ci du coup. Il était plus que temps.

Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

Tu peux dire ça du suivant, encore bien plus. Mais je comprends ton propos. La seule chose qui me freine de temps à autre est le dernier titre que j’ai parfois très envie d’écouter et parfois très envie d’éviter. J’avais jamais posé une crotte sur ce disque ni le suivant. Metal Circus est mon point d’équilibre. Mais celui-ci et le suivant sont plus bouleversants, peu importe le déséquilibre. New Day Rising est le titre « hardcore » d’école, pour moi.