Les meilleures choses ont une fin, même The Fall. Six mois après la sortie de son trente-et-unième album studio, Mark E.Smith, trublion à sale gueule et langue de pute mais à l’intégrité et à la créativité sans faille tirait définitivement sa révérence en laissant derrière une oeuvre ahurissante et un paquet de musiciens doués jetés après usage. N’en déplaise aux puristes, le minimalisme est un art; c’est une chose de sortir beaucoup de disques, une autre d’en sortir des bons. The Fall a connu peu de faiblesse pour une si longue carrière. ‘Segue’, une sorte de chant d’ivrogne lo-fi à l’alcool méchant en intro, non, décidément Smith n’a pas mis une goutte d’eau dans sa démarche. ‘Fol de rol’ qui enchaîne confirme…Sale titre de post-punk méchant, presque aussi punk que post d’ailleurs, toujours avec ces structures rythmiques répétitives, ce chant de merde, plus récité que chanté en fait, plus teigneux que jamais, qui semble évoluer en formule libre tandis que les trois autres zicos s’acharnent dans leur coin. ‘New fact emerge’ ne fait pas dans la dentelle, c’est puissant et râpeux, du post-punk qui s’est brossé les dents au garage, du The Fall au vitriol. Mark E. Smith a toujours eu une voix de sale type mais les années de clope l’ont rendue encore plus flippante. Ecoutez donc ‘Couples vs Jobless mid 30’s’, c’est si expérimental et tripant ! Il n’y a que P.I.L. qui soit allé aussi loin dans le n’importe nawak aussi jouissif et cohérent (le final est magnifique). Et 'O! Zztrrk Man’, tout est dans le titre, on dirait que les mecs jouent et que Smith qui n’a pas débourré depuis deux jours se pointe par hasard et tente de cracher quelques mots dans le micro qui n’en demande pas tant. Pas même une batterie sur ‘Nine out of ten’ qui repose sur une guitare limite twang grattant ses pauvres accords comme si l’avenir du monde en dépendait sur plus de huit minutes avec l’autre gugus qui beugle des mots au début avant de la fermer comme si ça l’emmerdait royalement; une forme de bluegrass urbain de fond de ruelle d’arrière-pub comme jamais…Normal, juste avant il y avait eu ‘Groundsboy’ groovy, un peu rockabilly sur les bords, mélodieux, même, il fallait le faire payer ! ‘New fact emerge’ n’est sans doute pas l’opus le plus brillant du combo mais franchement, achever ainsi, de la hargne, de la morgue plein les chicots, le rictus barbouillé d’humour noir (on sent que Smith s’éclate comme un fou sur des chansons telles que ‘ Vicoria train station Massacre’), dans une apothéose de n’importe quoi qui plait pourtant, chapeau bas ! Alors pas de quoi verser des larmes, ‘l'important, c'est pas la chute, c'est l’atterrissage’, vous vous rappelez ?