La tentation était trop forte. Fusion du post-punk avec le disco. Voyage à Miami pour le certificat : chœurs hermaphrodites, violons/cuivres putassoïdes, lignes de basse de voyou, saveur Giorgio Maraudeur. Hard. Et greffée dessus, cette guitare toujours suprême d'acidité. L'alliage en jette pas mal, faut avouer. "Is It Love" en apéro, ça tombe comme une boule à facettes dans une discographie qui n'attendait que ça. Le Bon Goût n'est pas disponible : veuillez laisser votre message après le bip sonore. Je soupçonne les détracteurs de Hard, nombreux, de ne pas avoir osé aller plus loin que cet accueil rose bombasse. Ils ont eu tort, cette succincte mais juteuse sélection spéciale Gayng of Four étant truffée de morceaux à l'ambivalence délicieuse, subtilement auréolée de new romantic et de gimmicks ultra-étriqués, qui se frayent leur chemin comme des losanges dans une partouze de carrés. Des cols pelle à tarte dans un putain de blockhaus. Traces de rouge à lèvres sur leur post-punk compassé. J'imagine bien Gainsbarre écouter cet album, avachi chez Régine, avant de concevoir son Love on the Beat. Savoureux. Ouais : j'aime les quatre premiers Gang of Four, qui chacun leur tour squattent ma platine depuis des années, et donc j'aime ce Hard tant décrié, l'album de la disco-rde. Un peu l'équivalent new wave du Merci de Magma (écoutez le Merci de Magma, merci). Savoureux album que ce Hard, oui... Encore faut-il faire l'effort de voir sous les apparences, comme toujours avec Gang Of Four. Et ici, plus que jamais. Toujours raide et acide, le gang a nettoyé les jointures, conservé ces mots glaçants. Faut rester soi-même, punk, mais vendre son cul aux années 80 a un prix. Le rendu global est net, autant que les envies de dominer les charts. Mais Gang of Four n'a rien perdu de son angoisse profonde : sous les paillettes et le falsetto, les dents grincent... Hard cocotte le fuchsia, mais il traîne dans son sillage un parfum de Guerre Froide. Go4 louvoie entre Chic, Bowie et Depeche Mode, et sonne surtout comme lui-même, dans cette version attifée pour sortir en boîte, Andrew dégainant quelques éclats de pur cristal noir entre ces mélodies qui s'incrustent dans les neurones d'écoute en écoute. Insidieusement, comme ce melodica un peu grotesque qui fait toujours des chatouilles, et squatte la caboche. Ce disque claque et c'est tout, très basique mais avec un truc bien spécial, chaque titre ressemble à l'autre et pourtant est bien différent, et tout s'imbrique en neuf petites tubes confidentiels. Gang of Four s'impose pour la dernière fois, allure élancée, gaulé de la rythmique comme jamais, obstiné du copeau de guitare qui brille. Avec sa mentalité biaisée en filigrane, et sa façon exquisément mécanique d'être sexy. "A man with a good car needs no justification" : Hard n'en a besoin d'aucune, sa disco wave est acérée, son contrôle sur le rose et le gris est total. Sévèrement pâle. "Fate is in my hands, and in the transmission". Un album qui rôde sur la piste cirée en prenant l'apparence, selon le jeu de lumières, de John Travolta ou de Patrick Bateman.