Memoriam › The silent vigil

Memoriam a de la gueule. Un line-up à faire baver le métalleux nostalgique (pléonasme?) que je suis, de belles pochettes signées Dan Seagrave. Ouais, sur le papier, Memoriam a vraiment de la gueule. Mais il y a un "mais". Voilà, Memoriam c’est pas ma came. Je n’ai pas aimé "For the fallen". Pire, en-dehors de ses rares incursions dans un punk-hardcore Napalm Death-esque, il m’a laissé indifférent. Que n’ai-je donc réussi à me détacher de ce groupe et passer à autre chose ? À me dire que Memoriam ne serait jamais du même tonneau que Bolt Thrower ou Benediction (surtout parce que Fairfax ne serait jamais Ward ou Thomson… ni Rew ou Brookes, si on va chercher par là), que ce groupe ne m’apporterait jamais la même ivresse, quand bien même les flacons me séduiraient toujours ? Après tout, c’est pas les disques à chroniquer qui manquent, surtout à ce non-rythme qui est le mien. C’est simple, j’ai vu la pochette de "The silent vigil". À cet instant encore, quand je la regarde, toute crépusculaire et nimbée d’ocre qu’elle est, quelque chose là-bas au fond y luit telle une promesse. Pas celle d’un album plus homogène, non. Encore moins celle d’un Karl qui soufflerait à nouveau le feu. "The silent vigil" est un disque âcre et goudronneux, celui d’un groupe de quinquagénaires se retrouvant après le taf et les devoirs familiaux, fourbus, pour fumer des tiges et broder autour des riffs de Scott, qui en profite pour dépoussiérer son CV aux expériences variées (death, thrash/crossover, heavy metal). Un disque de death old-school fait par des vieux de la vieille, forcément suranné, qu’on croirait enregistré sur une VHS fatiguée du Headbangers Ball, dont les trames sautent et se superposent, déclenchant des jams improbables en arrière-plan. On y retrouve donc du riff Bolt Thrower typique ("Bleed the same", "As bridges burn"), associé pêle-mêle à du Sepultura, Entombed, Carcass qui se la joue mélo, voire du Nailbomb ou du Prong côté crossover. Mais c’est sur "From the flames" et surtout "Weaponised fear" que point une influence plus surprenante. Celle d’un autre groupe du sieur Raven, au frontman adulé par Karl, à savoir Killing Joke. Un je-ne-sais-quoi dans les intonations, dans cette manière de cracher de la cendre, dans le riff puissamment décontracté de ce dernier titre... Il y plane comme une sourde menace, plus insidieuse qu’un riff balistique chemisé de Bolt Thrower, une présence comminatoire, celle de ces épaves de machines de guerre dont on ne sait si elles ont tiré leur dernière munition. Ouais, aussi sec et râpeux qu’il soit, ce disque a du chien. Une aura qui impose le respect. Si je reste persuadé que Memoriam n’égalera jamais ses prédécesseurs en puissance de feu, "The silent vigil" a un pouvoir d'évocation indéniable. Et ça, ça fait forcément plaisir au métalleux nostalgique que je suis.