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Bruce Springsteen › The Ghost of Tom Joad

cd • 12 titres • 50:16 min

  • 1The Ghost Of Tom Joad
  • 2Straight Time
  • 3Highway 29
  • 4Youngstown
  • 5Sinaloa Cowboys
  • 6The Line
  • 7Balboa Park
  • 8Dry Lightning
  • 9The New Timer
  • 10Across The Border
  • 11Galveston Bay
  • 12My Best Was Never Good Enough

informations

line up

Bruce Springsteen (chant, guitare, claviers, harmonica), Danny Federici (accordéon, claviers), Gary Mallaber (batterie), Marty Rifkin (pedal steel), Garry Tallent (basse), Jim Hanson (basse), Jennifer Condos (basse), Soozie Tyrell (violon, chœurs), Lisa Lowell (chœurs), Patti Scialfa (chœurs)

chronique

Un harmonica jaillit de l'obscurité.

Une guitare, une voix familières s'approchent, et me rassurent.

Elles dessinent un Nebraska des années 90, moins aride que l'original, plus habillé. Un Nebraska emmitouflé dans des claviers rappelant ceux des rues de Philadelphie, et qui soulignent cette mélancolie profonde. Des chansons de presque que dalle mais qui disent beaucoup, diluées dans un horizon flou, là-bas dans la soupe de crépuscule, derrière cette skyline aux arrêtes trop dures. Captées loin d'une grande ville qui s'éteint, ou se réveille... Dans un coin quelconque de banlieue... Un gaillard charismatique en veste de cuir passée, marmonne fort et agglomère les paumés alentour. Murmurent autour des nappes d'instruments en velouté diaphane, presque imperceptible, comme une country de fond de bar éteint, dans laquelle les silhouettes du groupe qui l'accompagne ou de simples fantômes se brouillent. Et la voix de Bruce Springsteen tout près de nous, avec son accent incomparable qui vous tisse du denim dans les enceintes...

The Ghost of Tom Joad est peut-être bien l'album le plus touchant de son auteur. En tout cas c'est ce que je me dis très fort à chaque fois que je le ressors. Pour sûr, ce Boss conteur folk flirte toujours étroitement avec le chant nasillard zimmermannien qui me fait grincer les dents des oreilles ; mais d'une, il me tape beaucoup moins sur les nerfs que son incontestable maître (dont je n'ai jamais réussi à finir un disque sans me forcer) ; et de deux, plutôt que de jouer au poético-poétique sybillin, il brode ici humblement sur Steinbeck pour proposer sa vision, franche mais subtile, d'un périple au bas de l'échelle. Il sait égrener l'émotion, tranquillou, laisser couver le spleen en veillant sur chaque nuance. Un instantané délicat, où une part de l'E Street Band est un invité discret, occasionnel. The Ghost of Tom Joad est un moment allongé d'une bouleversante tiédeur, gris-orangé, comme un road movie spirituel au creux des grands ponts, près de ce baril en flammes où on peut se réchauffer les mitaines.

Et écouter le gars Bruce, cœur lourd mais Heartland léger, jouer pour aider les cendres - aussi - à tenir. Second album d'artisan pur qui touche au cœur et à l'âme, sans trop en faire. Cueillant illico sur sa chanson éponyme, une des plus belles de Springsteen assurément, après laquelle tout coule le plus naturellement du monde. Springsteen semble à la fois triste et serein. Résigné, mais traversé de lamentations. Il décrit les scènes de rue qu'il a vues, celles qu'il imagine. Il chante un peu comme dans un rêve, où la vie de merde deviendrait confortable. Il chante l'Amérique du bas comme personne. Les américains l'aiment pour ça. On a pu, par exemple à l'époque de Darkness on the Edge of Town, l'attaquer sur sa vision un peu cucul-la-praline de la base, limite image d'Épinal, quand il jouait le croqueur des tranches de vie prolétaire (étant en cela pas très éloigné du statut d'un Lavilliers chez nous, sans l'exotisme de poster pour chiottes évidemment)... Mais même quand il était pas très fin avec son rock pompier, Springsteen me paraissait déjà bien ancré dans ce monde dont il cause, aussi bien taillé pour une piaule de scribouillard que pour un véhicule utilitaire, et il m'est finalement assez naturel de m'être familiarisé avec la voix de ce mec dans la bagnole de chantier, tartinée de terre séchée jusqu'à l'autoradio, que conduisait mon père. Sur The Ghost of Tom Joad, cette affection pour ceux qu'on nomme les "petites gens" ne sonne jamais autrement que comme une sincère étreinte, un regard pudique mais chaleureux, sur ceux-là. À l'écoute de ce disque, j'me dis toujours que c'est pas pour rien que j'ai tant de tendresse pour ce gars. Malgré son léger surplus, malgré son mix frustrant, qui éloigne tant la musique de la voix, ce disque est d'un tenant, aussi troublant qu'une main fraternelle, aussi sûr qu'un regard ami. Il est d'une ambiance, comme un lent réveil des sens dans la brume épaisse d'hiver, à la lueur des camions... Fatigué, mais encore là.

Oui, cet album offre assurément quelque chose d'assez magique à écouter, sous ses airs d'énième disque de cowboy qui chante des génériques de fin. Et si on lui laisse sa chance aux heures avancées, il pourra même se révéler un refuge, lugubre et douillet.

note       Publiée le mercredi 1 janvier 2020

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