Trelldom › Til Minne...

L'hiver... Ce matin encore, depuis mon bol de chicorée, je les vois gratter, avec une ténacité barbare teintée de résignation, le pare-brise de ce cageot de métal. Comme les sinistres norvégiens grattant leurs riffs, ils grattent, ils grattent, et ils gratteront toujours... Monsieur Le Froid est de sortie, oui : et son pouvoir est non démenti malgré le réchauffement climatique. Et il a décidé de recouvrir les terres de son blanc manteau, si blanc qu'il en devient aveuglant, et donc nous plonge dans le noir, ce qui nous amène - transition - à parler de black-metal et donc de cet album de Trelldom, qui sent fort la neige. Et la dépression. Au sens météorologique surtout. Vous le voyez pas mais y a un petit Alain Gillot-Pétré dans mon cortex qui fait des gestes pour vous décrire cet album, le troisième en quinze ans de "le groupe originel de Gaahl aussi vieux que Gorgoroth mais resté dans son ombre". Un disque qui mérite sans aucun doute ce titre très racoleur de "Blizzard Beasts", en tout cas bien plus que les Kiss du keubla. Passé un début très classique et sous son aspect aride/rudimentaire typiquement "beumeu tradi", Trelldom mélodise au moins autant, et surtout ambiance plus. Le froid et la haine depuis 1992, mon p'tit bichon. Peine perdue pour aimer son prochain, Gaahl n'est plus que congère... Et ici il glace les sens comme à son habitude de monolithe aux ondes hostiles. Sans surprise, mais avec des nuances de maître dans l'expression. Un aristocrate du genre qui garde les pieds bien ancrés dans la mouscaille, si vous préférez. Non mais nom d'une pelle à neige en pleine tronche façon Le clochard de Maman j'ai raté l'avion (le père de Kristian Espedal ? y a un air de famille), écoutez-moi cette "Steg" au souffle malsain, monument incontestable de l'album, incantation seigneuriale et quasi-teutonique de Gaahl sur une avalanche de guitares nauséeuse qui s'achève dans des échos de folklore médiéval ! Hey, nice stalactites ! Mais on aurait tort de voir en Trelldom une énième entité b-m rectiligne et monomaniaque qui fait juste du bruit continu dans la poudreuse en attendant le tire-fesses du solo. Pour mieux nous mettre dans son escarcelle, Gaahl a recours à ces murmures, comme à ce bon vieux phrasé monocorde "iveule" évoqué plus haut (qui chez moi en imposeront toujours plus que ses cris car ils correspondent bien plus à sa gueule et aux faits divers sordides qui lui sont imputés). Variations qui soulignent son aura funeste comme des liserés subtils. L'salaud. Et puis vous avez bien regardé cette petite pochette façon Ace of Spades à Chamonix, basique mais ô combien éloquente ? Comment ça, elle est banale ? Elle a l'air banal, nuance. Comme ce skeud. Que voulez-vous savoir de plus que cet instantané du paysage gaahlien ? Si Trelldom fait "crrr crrr crrr crrr" ? Avec du "blueeeeeeaaaargh wwwweeeeeeuuuuuaaaargh" par-dessus ? Oui mais c'est pas ça l'essentiel. La musique = la pochette, une fois de plus ! C'tout ce qu'il faut savoir en fait. Un album à l'image de son démiurge païen, de ses rêves de plénitude dans les contrées scandinaves les plus reculées. Oui... Trelldom sont leur environnement, à la fois inhospitalier et profondément serein, de leurs bottes bien plantées dans le permafrost à leurs gros bracelets de piquants qui semblent faire la nique aux conifères. Parce que Gaahl il a l'habitus d'un pin séculaire. Parce que c'est comme ça. Parce que le black-metal, c'est la nature.