Il était une fois. Au coin du feu. A l’orée du bois. Il était une fois. Natasha, raconte-nous de belles histoires. De ta belle voix profonde, sur des clavecins qui nous envoutent, sur une façon de boléro aux cordes un peu inquiétantes. Natasha raconte-nous des rêves, celui où tu étais l’élue, toi et ce cheval. Toi et ta voix qui se dédouble. En grattant ton autoharp, la silhouette d’un cowboy au fond de la grande salle, quand la basse et le piano sont tels des bruits de pas de loup dans les ténèbres. Susurrez-nous ensemble ces comptines qui nous laissent des frissons, claquez dans vos mains en rythme autour du foyer, les ombres portées sur le plafond comme ta voix Natasha qui monte vers le ciel plein d’étoiles. Fais-nous des tours de magie, fais nous apparaitre des formes au firmament, avec tes chansons qui serpentent et s’enroulent sur elles-même, comme lors d’une cérémonie. Rejoue-nous encore de ce folk crépusculaire, avec tes invocations bizarres à Tahiti, fais-nous danser la ronde sur la ritournelle freak-pop de la fille qui n’aime plus, fais résonner les tambourins dans le hall, fait jouer l’orchestre fantôme dans le salon de musique pour accompagner tes hautes complaintes, assise dans ta robe écarlate, tes doigts martelant les touches d’ivoire. Encore une fois, raconte-nous encore une fois l’histoire du terrible sorcier qui gouverne ta vie, de la vagabonde qui voudrait cesser sa fuite incessante et de Sarah, la fille qui avait vu l’ombre de Dieu sur un bateau de pêcheur et dont tu voudrais prendre la place. Décris-nous de ta voix perdue dans l’écho lointain les paysages côtier de l’amour, guitare languide ondulant en surface, vibraphone et cordes mélancoliques traçant des lignes de fuite dans la nuit. C’est à cette heure-ci qu’on voit des lumières dans la forêt. Comme dans "La nuit du chasseur", des enfants qui marchent dans un cauchemar, comme dans "Sailor et Lula", une carcasse de voiture et un couple suicidé. Les histoires de Natasha font un peu peur parfois, elles fait monter la tension au rythme monocorde de son piano jusqu’à ce que les cris s’étouffent. Elle a beaucoup d’instruments dans son grenier, il y a même un vieil harmonium, mais parait toujours en jouer de peu, juste assez pour installer cette atmosphère de rêve éveillé, pas rassurant mais dans lequel il fait bon se lover. Parce que sa voix profonde et, à la fin, rassurante comme celle d’une mère qui raconte des histoires à ses enfants pour les confier aux bras de Morphée. Natasha, encore une fois s’il te plait, quelques notes de piano, tes doigts effleurant les cordes de l’autoharp, tes amis-ombres au rez-de-chaussée avec leurs violons, encore un peu, d’il était une fois…