Ce qu'on peut être attaché au passé. Je roule des kilomètres et des kilomètres, et le seul putain de CD qui traine dans la bagnole c'est celui-là ; j'avais décidé de passer du bon temps bon dieu d'gens d'la ville, j'avais juste pensé "tiens, je vais tracer la route, on va se détendre, on va profiter du soleil et de la sécheresse, du bitume, de l'essence et tout". Mais non, Acid Bath, les cadavres sortent du marais, les squelettes en manque claquent des dents et je n'ai plus que ce CD dans la voiture. Hors de question de profiter de la radio, c'est pourri. Mais oui, le seul album, des obsèques en série planent à l'horizon, Hmm, ça va être long, et je me dis "pfff, on va encore se retaper la dépression". Et je me souviens de ces jeunes années, je reste collé au passé, c'est comme ça : la bonne musique sombre c'est celle qui, aussi, procure cette légère sensation au fond du bide, qui gratouille un peu, qui procure une sensation quasiment agréable, un peu comme lorsqu'on descend trop vite une pente, une prairie l'été, et qu'on s'imagine l'être aimé et aujourd'hui mort main dans la main, une couronne de fleurs dans les cheveux un petit peu comme dans le Cantique des Cantiques sauf que là c'est remixé façon Dellamorte Dellamore. Cet album a donc des élans rock magnifiés par la voix unique de notre gars à nous, secondé parfois par une autre voix discrète et une batterie toute sèche ; c'est peut-être pour cela qu'ils les ont comparé aux White Stripes... mouais... S'il y en a une de possible de comparaison, ça serait plutôt avec les chansons les plus douces amères de Josh Homme, celles qui ont le sourire de De Niro à la fin de Taxi Driver, "piiiou" dans la tête, les mains qui pèguent de sang... Oeuvre au noir noir, voui, et quand notre mec à nous commence à vraiment foutre les tripes sur la table sans trop d'artifices (raah "Evil Friend" par exemple ou "No Rainbow"), quand on s'aperçoit que ses circonvolutions vocales sont d'une belle justesse, et bien on n'a finalement, pour cet espace-temps là, pas besoin d'autre chose à écouter. Ainsi, la semaine dernière, 2000 km furent parcourus seul en voiture. Il n'y avait qu'un CD ; j'ai donc dû l'écouter très approximativement une quinzaine de fois, et je peux donc avec certitude vous le conseiller si vous avez mal au coeur ou si vous êtes, comme Rastignac, un peu trop accroché au passé.