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Melvin Van Peebles feat. Earth, Wind & Fire › Sweet Sweetback’s Baadasssss Song (an Opera) (OS.T.)

  • 1971 • Stax STS-3001 • 1 LP 33 tours
  • 1997 • Stax PCD-4455 • 1 CD

lp/cd • 10 titres • 40:42 min

  • 1Sweetback Losing His Cherry2:47
  • 2Sweetback Getting It Uptight and Preaching It So Hard, The Bourgeois Reggin Angels In heaven Turn Around4:59
  • 3Come On Feet, Do Your Thing4:15
  • 4Sweetback’s Theme7:42
  • 5Hoppin’ Jones2:25
  • 6Mojo Woman2:54
  • 7Sanra Z4:03
  • 8Reggins Hanging On In There As Best They Can4:26
  • 9Won’t Bleed Me2:41
  • 10Man Tries Running His Usual Game But Sweetback's Jones Is So Strong He Wastes the Hounds4:27

informations

Non crédité.

line up

Melvin Van Peeble (Brer Soul) ; Earth, Wind & Fire

chronique

« Sire, ceci n’est pas une ode à la brutalité que l’artiste aurait inventé, mais un hymne sorti de la bouche de la réalité… (Incantation traditionnelle du moyen-âge) » .

Bien-sûr que c’est une, disons… Licence poétique ! Bien-sûr, que ce film a quelque chose de grossier ! Comme un bélier taillé à l’arrache, à même le bois brut, ferré à froid, échardeux, rugueux. Évidemment, que certaines scènes – violences, nudité, baise en plan fixe – sont filmées trop longuement (pour qu’on reste à l’aise, voyeurs qui n’en demandaient pas tant). Évidemment, que certains procédés – filtres en couleurs pétantes, split-screen et autres incrustations de fenêtres, passages « gratuits » en négatif semble tomber à l’empirique, à l’arbitraire… Et oui : on peut tiquer devant certains personnages taillés, modelés comme à l’acide hystérique… Pour ma part j’y ai toujours cru, à ce presque introït, cité plus haut. Sweet Sweetback’s…, pour moi, a toujours été une satire. Une sorte de fresque grotesque – à l’exagération en effet digne de certains tableaux médiévaux. Ou encore : une forme poussée, extrême, de « black minstrel » – un Noir qui filme des Noirs grimés en Noirs, tous accentuant jusqu’à l’absurde le « black gibberish » pour la galerie – noire et blanche. (Au point, gag grinçant parmi d’autres, qu’il faut un interprète – à la morgue, eh, où, sinon – pour faire comprendre au flic blanc ce que dit le patron noir du fuyard, à qui les agents dudit gradé ont explosé les oreilles à coup de flingues tirés juste à côté… « Eh, j’lis pas encore sur les lèvres, mecs ! »). Et puis une sorte de « whiteface », aussi – l’acteur blanc qui joue ledit gradé blanc, retenant ses agents noirs pour leur préciser (après avoir exhorté ses troupes de toutes teintes à (à peu près) « trouver ce salaud de nègre ») : « Pas d’offense, hein, les gars… C’est juste une expression »… Satire d’un genre à venir, certes : la blaxploitation, dont il est réputé être le premier d’entre les premiers (avec Shaft, sorti quelques mois plus tard… Mais Shaft est déjà un film « normal » – et de fait, d’exploitation, sans ruse là-dessus). Plus largement : satire sans doute, et rétorque à celle-là, d’une vague de films estampillés « contre-culture » – cf la scène avec les bikers, deux ans après Easy Rider (1969), cinq après Les Anges Sauvages (1966, donc. « We want to be free ! To DO what we want to DO ! … And we want to get LOADED ») ; cf la séquence avec les hippies, qui suspend la poursuite finale… Voilà : avec tout ça, je l’ai toujours trouvé plus fin, aussi, ce film, derrière son parti-pris de tout saturer, dans cette optique même, de ce qu’il s’en dit souvent. Oui : Sweetback, avec son air mutique et son chapeau, son costume de mac – est un personnage caricatural, supermâle, superbrother, supernégro qui dézingue des flics avec ses menottes défaites, en leur enfonçant des queues de billard dans le plexus, saigne les chiens d’autres flics parce que « son Mojo est trop fort pour The Maaan »… MAIS Van Peeble, à mon avis, n’est pas dupe – il joue le jeu, disais-je, d’une comédie énorme, avec derrière un vrai discours, étayé, historiquement sans doute bien plus juste, d’ailleurs, que nombre de films supposés « sérieux » ; après tout, cette sur-virilité mise en exergue n’était pas (du tout) absente de la rhétorique Black Power, et plutôt que vouloir nous la faire gober, il m’a toujours semblé que Van Peeble, ici, faisait partie de ceux qui la mettaient en doute, en question, y décèlent la part de projection, de fantasme induit aussi « de l’extérieur » ; après tout, Malcolm X, dit-on, avait été prostitué – et Sweetback se vend en spectacle, fait jouir en public d’autres comédiennes, contre billets vert ; après tout George Jackson, Eldridge Cleaver, Huey Newton, d’autres Black Panthers, en étaient venus à la politique en passant tous par la case prison, délinquance, avaient voulu, d’abord, échapper à la traque…

Bon ! Et la B.O. de cet objet polémique – venons-en enfin – est peut-être bien, elle aussi, la plus crue d’entre toutes dans celles, légion, de bobines sorties sous l'étiquette. Bouts de plages coupés au massicot – superposés, montés à l’expressionniste, sur l’ouverture – donnée en fait comme dans le film, sans retouche, il me semble. Thème d’orgue et de cuivres obsédant – ceux-là infléchissant la justesse, la vrillant, par passages, comme pour essorer le riff. Coryphée exorbité qui exhorte, semble à la fois vouloir précipiter le protagoniste à sa perte et le piquer à même la viande pour le pousser à semer sa fin, la fatalité (« They bled your Motheeeer… But they won’t bleed ME ! »). Earth, Wind & Fire qui joue là un funk salingue, furieux, tendu jusqu’à la tétanie, explosant en saint-guy – une mouture braillée de la chose, déformée, agitée. Une sorte de free-funk-soul, en fait – plus proche finalement des derniers Albert Ayler (ceux qui ne se retenaient plus de groover), de certains Archie Shepp, des Art Ensemble of Chicago les plus « sardoniques » que de la version disco-sleek, pure soie, latex et chrome qui fera bientôt le succès du groupe. Peut-être pas si loin, aussi – dans le propos si ce n’est sur la forme, bien plus lisse, pour ce disque à venir – du Hustlers Convention de Lightning Rod, alias Jalal Nurridin des Last Poets (qui sortira deux ans après, en 1973). Du Chester Hymes en musique et en image, au fond – même dégoût, même fatigue à jouer le bon-mauvais-nègre (baaad, you know) pour épater Noirs, Blancs, Jaunes, Cochons de Payants et camarades de trimard, de trime ; même jubilation à faire hurler tout ça – que derrière, en lame de fond jamais calmée (… moins que jamais), quelque chose de puissant, voulait depuis toujours sortir, renverser ; même plaisir à déboussoler, à sauter par-dessus l’amertume – d’avoir à cracher de la copie, de la pellicule, de la bande prête à partir pour la gravure, pour tant le feuillet, la bobine, la face de vinyle – pour sortir un tel machin cinglant, brutal mais abouti, bien plus vivant que n’importe quel objet de propagande, défiant la commande, échappant au programme…

On peut trouver ça « trop ». Ou bordélique. Ou moche. On peut aussi le prendre comme un salutaire fracas qui – au moins, pour cette fois – ne nous fait pas le coup d’une séduction feutrée, avant de claquer sa beigne.

note       Publiée le lundi 2 septembre 2019

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    WZX Envoyez un message privé àWZX

    Si envie de se mettre dans l'ambiance, un docu est sorti récemment à propos du film (et, un peu, de la musique)

    Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

    Ain't supposed to die of a natural cause, qu'il avait dit. Il se sera fait mentir lui-même, en bon poil à gratter.

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo  Dioneo est en ligne !
    avatar

    Ah tiens, je vois que le Melvin (celui-là hein, pas Buzzo...) a lâché la rampe y'a deux jours. 89 ans tout de même. "C'mon feet"...

    Message édité le 23-09-2021 à 12:38 par dioneo

    Note donnée au disque :