Vous êtes ici › Les groupes / artistesNColin Newman › A-Z

Colin Newman › A-Z

cd • 12 titres

  • 1I've Waited Ages
  • 2& Jury
  • 3Alone
  • 4Order For Order
  • 5Image
  • 6Life On Deck
  • 7Troisième
  • 8S-S-S-Star Eyes
  • 9Seconds To Last
  • 10Inventory
  • 11But No
  • 12B

cd 2 (réédition 2016) • 18 titres • B Sides, Demos & Supporting Material min

  • Riverside Demos
  • 1Life On Deck
  • 2The Classic Remains
  • 3Don't Bring Reminders
  • 4Image
  • 5Not Me
  • 6But No
  • 7Troisième
  • 8I've Waited Ages
  • 9Order For Order
  • Studio Recordings
  • 10Alone On Piano
  • 11The Classic Remains
  • 12Home Studio Demos
  • 13Order For Order
  • 14Not Me
  • 15The Classic Remains
  • 16Troisième
  • 17Standard Practice
  • 18Part Of Our History

informations

line up

Colin Newman (chant, guitare), Desmond Simmons (basse, guitare), Mike Thorne (synthétiseurs, claviers), Robert Gotobed (batterie)

Musiciens additionnels : Charles Bullen (clarinette sur "Troisième")

chronique

Les albums punk/new wave insolites à considérer comme vraiment indispensables, dans le fond je n'en connais pas tant que ça. En voilà un qui a pris son temps pour m'avoir, mais qui m'a bien eu. Tout aussi mué par l'angoisse de l'homme moderne réifié que les meilleurs Talking Heads, Pere Ubu ou Devo, même encore plus bizarre (n'ayons pas peur de l'adjectif galvaudé) pour ne pas dire anglais et donc anguleux : voici, circulaire, rectangulaire, le premier album solo du chanteur du groupe Wire, tout juste coupé, à l'aube de la décennie de la coke et du synthé.

Bizarre, ce A-Z ? Et pourtant, étrangement familier, dès "I've Waited Ages" et le son électrifié-grillé de cette guitare qui balafre les baffles, dès cette ligne de basse redoutablement saillante et plus-post-punk-tu-meurs, dès ce chant de zigoto-hurluberlu stressant qui semble chuter d'une dimension à l'autre, coursé par des voix de bébés extra-terrestres (oups-mince et zut, j'ai oublié de citer les Stranglers en début de chro !) A-Z ne contient que des chansons bizarres, oui... A-Z contient d'abord - puisque c'est elle qui m'a mené à lui - la chanson que Jonathan Demme, grand fan de Wire ("filophile" ?), utilisera de façon furtive dans son thriller culte dix ans plus tard, pour accompagner les phalènes virevoltant dans la cave de Buffalo Bill. Cette chanson, c'est "Alone", berceuse cold-wave incrustée de verre brisé, mélodie triste qui va se loger pour n'en plus jamais sortir dans un coin du cerveau, comme cette lettre que tout le monde joue au piano. Même si je ne fréquente pas - du moins à ce que je sache - de gens pratiquant ce hobby délicat, j'ai rarement entendu un slow aussi fait pour résonner dans l'antre d'un serial killer. À croire que cette chanson a été composée juste pour finir dans ce sous-sol du film, ou dans un sous-sol de notre tête, avec son synthétiseur qui nous rabaisse le plafond plus bas que les épaules, avec ce beat draconien, proto-Reznor, qui pollue l'humeur illico, et l'angoisse plus que palpable dans cette voix de vieil enfant... Morne et collant aux neurones : le désespoir comme une berceuse pour adultes. "Alone", ouais, aucun autre titre n'irait mieux à cette chanson. Y a eu contrariété dans l'cœur à Colinou... Faut dire que Colin Newman, sous ses airs de petit rosbif pincé et cérébral à la Robert Fripp, entre ses moments quasi-zolo, c'est une sorte de musicien gothique incognito, même s'il dirait sans doute le contraire (Robert Smith aussi), même s'il n'a vraisemblablement jamais porté l'accoutrement noir-sur-noir ou le khôl (Ian Curtis non plus), la soul, le feeling de ce calculateur autiste se révèlent ici plus gothiques qu'un paquet de goths certifiés corbac. Inutile de répéter qui est derrière le premier Virgin Prunes. Colin Newman a plus d'une corde à son dark. Des ambiances à se pendre, son A-Z en est truffé... 1980, y a quelqu'un ?... Ce son d'entre-deux âges qui chamboule les perceptions, pfiou ! Ce chant ultra-toxique sur "Order for Order", non mais écoutez-moi ça... Non mais écoutez-moi cette "Image", arghl, c'est quoi ce truc de chauve-souris ???! En terme de "sombre et expérimental", aucune hésitation, même si A-Z est objectivement le petit frère du déjà bien torturé 154 : les trois premiers albums de Wire, aussi avant-gardistes soient-ils - et quand bien même cela n'a jamais rien eu de qualitatif en soi, sauf pour qui confond mélomanie et musicologie - n'ont pas, sinon de façon parcellaire, l'aura de ce premier solo... qui est tout aussi avant-gardiste. Et surtout plus lugubre, plus sordide, pour revenir à nos moutons noirs. Tout aussi obsédant que Joy Division ("Seconds to Last") ou Magazine, pour le dire sans ambages.

A-Z, faille intemporelle dans la séquence new wave, sonne comme un monde intime à lui seul, une sorte de série noire post-punk aux grimaces de cauchemar ludique, aux couloirs de métro perforés de néons en quinconce, aux murs de chiottes publiques constellés de tags indéchiffrables. Art cold-temporal. Lobes infiltrés. Parasite musical indélogeable. On est plus loin que le Câble... Plus bas que le Fil : Colin se démène pour nous mener au bout de son monde, de ses névroses. On est au fond de son puits... Au fond du fond du Newman-land. Captif d'un musicien intelligent, faux fou, qui découpe des bouts de musique pour assembler une new wave dont lui seul comprend vraiment les rouages et équations. Un monde mélancubique, maboulogique, ambiglauque, aux géométries mélodiques d'une élasticité malveillante. Synthétiseurs louches, chant d'anglais dépressif décomplexé et déglingué, parfois pas si éloigné des angoisses d'un Peter Hammill (certains voire la plupart préfèrent évoquer Syd Barrett), même si comparaison n'est pas compas... J'entends des triangles qui marchent dans le corridor, j'entends des ovales qui me regardent. J'entends des morceaux plus enlevés qui ne sont pas moins anxiogènes, sortes de tubes volontairement ratés qui jaillissent comme des pulsions longuement pensées (ô sadique "Life on Deck"). Escamotés pour niquer le cortex en loucedé. Je vois avec mes oreilles des drôles de types en répétition dans une cave, qui portent des costumes étriqués et sous leurs lunettes des masques de zoulous. Des fois ils hurlent comme des sales punks primitifs sur un son rudimentaire de démo ("But No") ou se finissent en dansant dans tous les sens comme des spermatozoïdes débiles ("B"). Des fois ils se multiplient - au moins trente sur "Troisième" ! - des fois, c'est un mec tout seul. Colin, alone... "alooh-oh-hone"... Bricolant ses chansons-cellules. Chansons-capsules au goût de peur, de paranoïa - de manipulation ? Peut-être a-t-on affaire à un scientifique qui joue à l'artiste, ou bien... peut-être ne joue-t-il que pour lui. Et qu'accidentellement il nous renvoie à nous. Coincés dans nos immeubles, asphyxiés par ces murs qui ne répondront jamais. Comment est-on entré ? Comment sortir de ce disque ? Y a-t-il jamais eu un au-dehors, des nuages, d'autres gens ? Malsaine autant qu'alien : A-Z, ou la new wave de l'Homme nouveau. Inutile de chercher une issue. "A-Z". Pas de lettres de sortie.

Chef-d'oeuvre
      
Publiée le mardi 20 août 2019

Dans le même esprit, Raven vous recommande...

dernières écoutes

Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "A-Z" en ce moment.

tags

Connectez-vous pour ajouter un tag sur "A-Z".

notes

Note moyenne        8 votes

Connectez-vous ajouter une note sur "A-Z".

commentaires

Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "A-Z".

Raven Envoyez un message privé àRaven
avatar

Tiens, puisque j'avais oublié de l'ajouter dans les liens vidéo...

https://www.youtube.com/watch?v=Rxu...

(M'étonnerait pas que Primus soient tombés là-dessus, ados).

Note donnée au disque :       
allobroge Envoyez un message privé àallobroge

Reçu et écouté ,miam et les démos sur la réédition CD sont exceptionnelles !

Note donnée au disque :       
Scissor Man Envoyez un message privé àScissor Man

Commandé, choppé, en écoute en boucle ! You didn't touch me… (not me) 10 ans que je cherchais ce titre oublié dans ma vinylothèque et ma mémoire défaillante.

Note donnée au disque :       
Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

Choppé la réédition avec celle de "Not to" lors des dernières soldes. Je ne sais pas ce que vaut le reste de la discographie solo de Colin Newman mais, clairement, celui-là est excellent.

Note donnée au disque :       
allobroge Envoyez un message privé àallobroge

Pareil que Twili !

Note donnée au disque :