The Blue Nile › High

"High" est très exactement ce que l'on était en droit d'attendre de The Blue Nile, et certains s'en sont donc un peu offusqués. Pour ma part, je n'ai jamais espéré qu'ils me surprennent à chaque nouvel album. Je n'attends pas d'eux qu'ils se renouvellent, qu'ils se réinventent, qu'ils déboulent en 2004, après 8 ans de silence, avec la matrice de la pop du futur... ça ne leur ressemblerait pas. Ces amis que l'on ne voit que trop rarement, c'est dans leur persistance qu'ils nous sont chers, dans cette capacité qu'ils ont à réveiller ce qu'il y a de constance en nous... à nous rassurer sur la resistance des choses précieuses au temps qui passe. Je laisse à ceux qui m'accompagnent au quotidien la lourde tâche de me faire aimer le fait de vieillir, accepter de changer. Les trois écossais, eux, ce sont des repères, des amis-boussoles. "High" affiche une production intelligente et juste, les larmes de piano pluie et l'acoustique de la guitare s'y mêlent à l'électronique des percussions avec élégance et simplicité, avec évidence. Les nappes indispensables, plus graciles que jamais, y dressent le décor nocturne et aéré d'une cité plus moderne, des immeubles de verres, des voitures plus racées, des parcs contemporains à la beauté graphique... mais c'est toujours le même ciel, le violet du crépuscule, les lumières de la ville et le silence de la nuit. Et c'est très bien ainsi. "The days of our lives", "I would never", "Toledo", "High", "Soul boy", "Stay close"... oui, je connais cette merveilleuse mélancolie, j'ai déjà ressenti cet espoir insensé de balayer les larmes dans un sourire, et je sais bien que ce n'est pas en tournant une fois de plus le visage vers le ciel que les nuages vont disparaître... mais c'est justement ce rêve un peu triste, cette illusion douce que je suis venu chercher. La voix de Buchanan continue sa promenade solitaire dans un environnement plus précis que jamais, peaufiné de détails minuscules qui parachèvent un champ chromatique subtil et subliment la sensation d'espace. The Blue Nile n'a rien perdu de son sens de la pondération, de la lenteur élégante, il garde sa pudeur intacte, jusque dans la tristesse nue des "Toledo" et "Soul boy", réaffirmant sa maîtrise d'une science rare et précieuse d'arrangements aérés, dispersés avec minutie, avec sagesse. Il n'y a peut-être pas de "let's go out tonight" ou de " late train" ici, mais il y a "High"... il y a "Stay close". "Broken love" qui finit par s'envoler, porté par ses voiles d'harmonies qui s'accumulent, "She saw the world" dont l'émotion arrive à percer le carcan de sa blue-eyed soul aseptisée, et même "everybody else" qui ne sert à rien... "High" accompagne et réconforte jusque dans ses moments les plus faibles. Non, je n'attends pas de The Blue Nile qu'ils me surprennent... juste de l'humanité.