Entends-tu le funk qui fait du bruit ? À moins – crois-tu – que ce soit l'inverse ? Tout simplement : c'est que tout ça, c'est réciproque. Et puis multi-directionnel. Si on vous dit « math-rock » n'y croyez pas plus que ça – ou alors dites-vous que là, ladite discipline confond un peu « fractions » et « fractures », ruptures. C'est de la musique qui fait des fractionnés – mais pas de l'athlétisme. C'est physique, c'est sûr. Mais pas là pour la compète. (Après... Qui oserait s'y frotter ?).

Boucan : le nom ne dit pas tout, non, ce serait trop simple... Il donne une idée juste, en revanche, de la chose, de la proposition. Deux gars et le bruit qui sort de leurs têtes, qu'ils produisent avec leurs corps et ceux de leurs instruments (parties pleines, mécaniques, cordes et peaux et caisses frappées). On y danse densément, et sous l'apparence première de chaos différentiel, on se rend vite compte que c'est plein d'accroches – mélodies (du Bonheur, qu'ils disent... Hum ?) et grooves qui vous agrippent et viennent se ficher dans votre matière grise, prêts à ressurgir plus tard pour vous empêcher de pioncer. Idem, côté musculaire, d'ailleurs : ça s'imprime et ça s'incruste, ça ne demande qu'à rejaillir, ressortir à la première sollicitation. Un coup ou deux, on entend un cri – c'est Raph (le batteur) qui s'emballe. Il fallait que ça sorte, sans doute – et ça non-plus, tiens, ça ne fait pas une mauvaise définition.

Et aussi, tiens : c'est étonnant, sur la longueur, aux retours, comme on saisit à quel point c'est bien foutu, leur faux bordel, articulé. Ça verse les vitesses l'une dans l'autre, les parties – pas au hasard mais, on a l'impression, parce que les deux ont travaillé leurs trucs au départ trouvés « au feeling », ont mis tout ça en place très patiemment sans perdre l'urgence, l'allure limite panique. Limite, j'ai dit – ça chasse, ça dérape, mais ça ne sort pas du champs. Ça secoue mais ça reste foutrement toujours en place – en places, disons, multiples, par grappes de plusieurs à la fois, avec chacune sa ligne de perspective. Et le son est net – mais plein, matériel. Pas plus propre qu'il faudrait – pas sali pour le goût du flou (surtout pas), le grain de la crasse et des oxydes bien défini.

Alors, sinon, ça sonne « live », comme en concert ? Pas tout à fait. Ça garde l'énergie, le compact et l'élasticité du truc, mais ils ne se contentent pas de faire comme si c'était simplement une espèce de bête captation. Le relief varie quelque peu. Vous ne voyez pas ? Alors c'est simple : allez-y, la prochaine fois qu'ils passent. Ils en ont sorti un autre, entre temps. Ils tournent, assez souvent. Ils vont remettre ça, tiens, par ici, bientôt. « On en reparlera ? ». On en reparlera.