Apollo Brown & Skyzoo › The Easy Truth

Skyzoo est un rappeur sans personnalité. Appolo Brown est un producteur sympa-cool. Skyzoo et Appolo se rencontrent dans un bar, et décident de faire ensemble un disque sans personnalité. Mais un disque sympa et cool. Le résultat est donc on ne peut plus classique, même s'il ne sera jamais un classic. Et c'est ça qu'est cool, et même sympa, même si c'est pas beaucoup. Dédaigné comme cette paire de baskets oubliées sur un fil électrique, The Easy Truth est l'album de neo-boom-bap confidentiel par essence, avec ce qu'il faut de modernité aux entournures pour ne pas rebuter la jeune génération du cloud. Posé dans la rue mal famée de ce rap game des années 2010 tel un point chaud qui restera invisible ou quasi, avec sa devanture de walou. Pareil pour ce Skyzoo. Skyzoo, qui s'en fout ? On s'en ballec à raison de Skyzoo, avec son blase de fond de cale de disquaire (et un peu d'application/jeu mobile faut bien le dire), tant son rap est désuet par les temps qui courent, au rythme des demi-mots et des instrus indigentes. Point ici de poses en ralenti : Skyzoo est de la vieille école boom-bap, de ce qu'on appelait connement le "rap conscient". Appolo Brown, qui aime s'acoquiner de ce genre de quidams-MC's, s'est semble-t-il lassé de ses prods les plus pompières, même s'il ne les a pas totalement lâchées, et teste d'autres approches soulful, qui me plaisent ma foi pas mal... "ma foi", "pas mal", voilà le genre d'expressions qu'on trouve au sujet de ce genre de disque... Mais cet album est vraiment bien (de mieux en mieux !) car il est du genre à jouer cartes sur table, sans trop s'étaler, ni sur-ponctuer d'interludes. Au rayon dispensable je ciblerais surtout les titres avec ces sempiternels samples "sous helium" - style inauguré je crois par RZA et qu'on pourra lui reprocher ad vitam. Certes, vous aurez déjà entendu et ré-entendu The Easy Truth si vous êtes amateur de boom bap et passé par le lot d'ersatz du style qui ne manquent pas depuis la fin des années 2000... Mais impossible de se sentir autrement que bien en sa compagnie, dès les premières notes samplées de "One in the Same" ou au travers des boucles à base violons larmoyants si 90's (on se croirait chez Shurik'n) de "A couple of dollars" ou l'excellente "The Vibes". Même ce "Basquiat on the draw" emblématique de tout un style suranné, avec des invités qu'on a l'impression de croiser pour la millénième fois comme de vieilles silhouettes familières. Avec un plaisir aux relents de poussière. Anonyme ? Anonyme n'a jamais voulu dire sans âme. Même si ce skeud ne sera jamais rien de plus qu'un point chaud pour aller croquer le donut et boire le café long, quand je sais pas quoi mettre, il ne s'est pas essoufflé malgré mes craintes. Il fait le marathon tranquillou le long des lundis, continue sa course dans le monde quotidien de l'oreillette. C'est l'album de rap approprié quand on a absolument aucune foutue idée de quel truc mettre dans son walkman pour arpenter les rues, un jour où les nuages sont pas trop brillants, le soleil un peu gris, m'bref un peu un jour comme le montre cette pochette, tout compte fait : un jour propice à scruter les coins d'immeubles et rêver d'un ailleurs qui soit un peu moins froid et anguleux, un peu plus réconfortant et rond, comme ce hip-hop du passé du présent...