Blue Sky Black Death & Hell Razah › Razah's Ladder

Hell Razah l'ex-Sunz of Man produit par les allemands Blue Sky Black Death... Encore un album que j'avais acheté à sa sortie, dans ma frénésie de collectionite Wu-Tang, et que j'ai oublié pendant dix bonnes années à la poussière. Ô étagères, tristes étagères... J'en avais bêtement oublié que je l'avais acheté, à coup sûr parce que la collab' BSBD & Holocaust sortir peu avant mais écoutée peu après en avait écrasé tout souvenir. Peut-être même ne l'avais-je jamais vraiment écouté en entier, tant il m'avait laissé l'impression d'un album de rap soul-jazzy des plus lisses, sans la moindre aspérité... Eh bien, j'avais eu tort, du moins sur le "sans aspérités" : si Razah's Lader n'a pas la puissance du Holocaust, il a son charme propre, et les prods y sont encore plus veloutées/moirées, toujours avec ce gros côté cinématographique. C'est un album auquel je me suis attaché en le ressortant, ce qu'on appelle bien un petit "grower", sans aller taper dans les hauteurs du genre loin de là, mais tout de même plus que "cet album de second couteau de Killah Priest que j'avais acheté sur la marketplace début 2008". Tout ça grâce aux instrus très peaufinées des Blue Sky Black Death, leurs boucles à la richesse subtile, évolutives, gorgées de soul et avec un quelque chose de délicatement épique (si ça veut dire quelque chose...) à l'image de l'enchaînement "Razah's Ladder" / "The Cube" ou des splendides "Better Than Jewelry" et "Written in Blood" (le dernier rappelant plus l'ambiance nocturne et profonde de The Holocaust). Les feats ramènent le trip à un feeling plus Army Of The Pharaoes/Jedi Mind Tricks, en somme Babygrande ("Project Prophecy" avec les bœufs Ill Bill et Sabac), pas dégueulasse, mais sans plus... L'ambiance globale dessinée par ces soigneux Blue Sky Black Death est bien smooth et spirituelle. Hell Razah y laisse infuser son flow de black hebrew politisé, en MC sans génie, mais aussi franc du mic qu'un affilié Wu-Tang peut l'être. Les beats frappant en bouquets de brindilles sur les baffles, les instruments se tressent naturellement par-dessus ce canevas un peu lâche pour former une crème de hip-hop qui coule toute seule... Le groove est là, étalé en pastels. S'il n'évite pas quelques sonorités soul-triomphales cliché à la Jay-Z / Wu-Tang nouveau millénaire (problème de tant de rappeurs dont la personnalité reste assez fade), Razah's Ladder reste son album le moins grossier, et, comme on dit dans le journalisme sérieux, c'en est un qui vaut à coup sûr mieux que la somme de ses parties : durée parfaite et impression fort agréable d'unité, deux qualités rares dans le hip-hop. De l'ensemble se dégage une assez délicieuse aura "hip-hop mystique à la patine vintage", assez difficile à saisir, mais fort agréable - si on encaisse le côté prêche forcément un peu relou du MC, avec ses airs de gangsta sanctifié. Cette petite virée dans les questionnements existentiels de Hell Razah s'achève dans le feutre d'une instru apaisée - notes de piano en rosée, voix angéliques, sensation d'évaporation... Razah's Ladder déploie tout compte fait une ambiance assez fidèle à sa pochette. Trois ans plus tard, Hell Razah deviendra Heaven Razah, après avoir frôlé la rupture d'anévrisme. À croire que le ciel envoie des signes.