The Analog Brothers › Pimp To Eat

An 2000... Le bug n'a pas eu lieu. Mais la résistance au nouveau monde s'organise : Kool Keith décide de former un "supergroupe" avec Ice-T et d'autres MC's euh... souterrains. Ils joueront tous du synthétiseur (en prenant les alias idoines) et feront les beats à la main, si j'ose dire. Pourquoi ? Parce que Kool Keith partage avec Steve Albini un dégoût prononcé du digital, qui pourrait sembler un brin paradoxal si on prend en compte sa fascination du futur... Mais Kool Keith veut que le futur soit organique... Analogique. Kool Keith veut du passé. Keith Korg sera son blase. Les autres suivront son trip du moment... L'union fait la farce, dans ce cas (non mais regardez-moi un peu cette pure pochette de filous), même si ce one-shot des Analog Bros est un peu plus qu'une blague, avec comme un goût chimique, signe du Keith de l'époque. Même si finalement sous ses airs de possible délire axé vieille école / electro-funk ou sons bien cold à la Cybotron - ce qui aurait pu avoir une sacrée gueule à coup sûr - c'est un album de rap somme toute typique de la seconde moitié des 90's, pour Keith du moins. Du boom bap minimal-glacial, un chouia abstract mais entrecoupé de purs sons "street cred" à la Wu qui donnent un cachet moins "imposteur" à ce délire entre potes, un peu de rap latino à l'arrache pour faire style car Cypress est encore tendance, et l'envie tenace de tacler cette nouvelle génération de branleurs du pop-rap-r'n'b, même si les lyrics suivront pas toujours et qu'on décrochera sur pas mal de passages résolument trop raplapla, c'est du garanti pur régressif, comme cette pochette (oui encore elle)...Du pur hip-hop avec deux vieux MC's quasi légendaires traînant leurs sapes du côté loser de la force. 100% artisanal. Primal. Parfois fatal. Dommage que le vétéran Ice-T soit un peu miteux ici, ça sent la méforme typique du rappeur embourgeoisé, avec des rimes de débutant, mais bon, il reste toujours son charisme de MC old-school... Même si pour tout dire, je trouve que l'oncle Tracy Marrow a comme des airs assez cruels et amusants d'homme de main de Kool Keith, sur ce disque (je distingue pas trop dans les trois autres mais ils font très bien les seconds rôles aussi...), d'accessoire utilitaire et rudimentaire à l'alien Keith, mégalo des bas-fonds... Oui, c'est sans surprise Mr. Thornton qui domine l'album, plus encore dans cette ambiance de vide empoisonné qu'au mic' (ses amas de lyrics gloubi-boulgesques à base de technologies aux noms amusants à rapper, visions bizarroïdes d'animaux, braggadocio scato-lubrique, et mythomanies déprimantes... ahem). C'est un peu lui, le "Ice MC", ici. Si si... À en juger cette ambiance très proche de ses solos les plus frigorifiques et austères, de ses prods s'inscrivant pour la plupart dans la lignée Ultra/Dr.Dooom/Black Elvis, et préparant le terrain (dès l'emballage !) au plus caustique Masters of Illusion qui sortira quelques mois après... Une grosse curiosité sur le papier, donc, mais un album de Keith de la grande époque délicieusement "banal", c'est à dire monotone et malaisant, qui oscille entre inutilité pure et angoisse latente.