Vermonster › Spirit of Yma

Bon voilà, Vermonster : pas compliqué ! Tordu en revanche, oui. Retors. D’ailleurs ils sortent leurs disques sur un label – fondé par deux des membres du groupe, les époux Wayne Rogers et Kate Biggar – nommé Twisted Village. Joli Havre de Cinglés plus ou moins doux, en effet – une poignée de groupes plus ou moins consanguins (comprenez que les mêmes gens s’y retrouvent, « distribués » différemment), d’autres qui sont sans doute leur potes, en tout cas ne détonnent pas sur cette Place des Cintrés. Rien de révolutionnaire : un truc même de proximité, ordinaire, on est à la maison, pour peu qu’on aime ces trucs là. Je veux dire : le noise-rock, la noise tout court (mais qui prend bien son temps pour s’étaler comme une compote aux grumeaux bien râpeux), les larsens qui vrillent la tronche tellement qu’à force ça en devient une espèce de psychédélisme refroidi, délocalisé dans ces années et ces lieux-là – le Massachussetts des années quatre-vingt-dix.

D’ailleurs – comme ailleurs – Vermonster reprennent ici deux obscurs groupes sixties, de garage à priori grinçant (The Index, de Grosse Pointe, Michigan ; et Bent Wind de Toronto, Canada… Pays froids, on disait – même si ailleurs ils piocheront dans d’autres climats). C’est tout simple, encore une fois : Vermonster, c’est un jam-band tenu par de sympathiques désaxés, en réalité bien au fait de leur sujet, bien maîtres de leurs moyens mais capables – et c’est ça qui rend si réjouissants leurs disques, fussent-ils à peu près interchangeables, factuellement, objectivement, peut-être – de se laisser, de les laisser partir loin. Feedbacks qui s’entrelacent, paquets de textures qui grouillent, frottent, crament… Comme disait un copain à qui j’infligeais ça, hier : « ça joue » – dans une acception rien-à-foutre-du-solfège, oui, où tout est timbres, strates de matières, où la musique ne peut pas s’écrire ni vraiment se reproduire à l’identique, jamais.

Encore une fois, ça sent son quotidien – la répèt’ enregistrée dans le local sur du matos pas neuf et pas du tout hi-tech. (Oui… : le son est cradingue et « lo-fi » au possible… Ça colle bien à ce bordel-ci, une telle enveloppe, une telle « anti-production »). C’est tellement spontané, tellement instantané, tellement plein d’idées qui fusent et nous éclatent à la gueule en même temps qu’aux leurs, que ça se tient finalement dans une dimension où l’ennui n’est pas l'un des possibles – où en tout cas, ici, on oublie que c’est l’écueil, bien souvent, où peut tomber ce genre de bidules informes et secoués.

Ah, et… Quel rapport avec la Dame Sumac – l’Yma du titre, aussi brandie sur la pochette (et scotchée sur la face du modèle, et posée devant son anatomie, en compagnie d'un... tournevis) ? Eh bien… Allez savoir. À part que leurs plages parasitées, grésillées, sifflantes… sont aussi hors-territoire que la jungle inca Fantasmée en leur temps par les producteurs de ladite… Je ne suis pas sûr de voir. Et à vrai dire on s’en fout, au fond. Peut-être qu'ils l'aiment, celle-là, tout simplement, qu'ils en ont bouffé au moment d'enregistrer ce disque ou quoi. On ne voit pas trop là-dedans ce qui là-dedans pourrait en ressortir, donc – et c’est très bien comme ça, une fois le volume sonore poussé comme il convient dans le rouge et autres spectres saturés. KRRR. Xtabay Rugit Et Puis T’Avale.