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EPMD › Strictly Business

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Ultimex      jeudi 12 mai 2022 - 15:22
Raven      mardi 6 novembre 2018 - 14:22
Klarinetthor      mardi 6 novembre 2018 - 15:11

cd • 10 titres • 44:40 min

  • 1Strictly Business
  • 2Because I'm Housin'
  • 3So Let The Funk Flow
  • 4You Gots To Chill
  • 5It's My Thing
  • 6You're A Customer
  • 7The Steve Martin
  • 8Get Off The Bandwagon
  • 9D.J. K La Boss
  • 10Jane

informations

line up

Erick Sermon (MC, production), PMD (MC, production)

Musiciens additionnels : D.J. K La Boss (scratches)

chronique

  • cold funk boom bap

Les détracteurs du hip-hop ont toujours eu raison sur sa nature : c'est une musique vandale par essence - et ce n'est d'ailleurs probablement pas la seule - puisant dans le pillage sélectif mais sans complexe d'autres musiciens pour offrir un terrain de jeu aux gymnastiques des mots de ses MC's obsédés par le monopole du "game", et s'exprimant souvent dans une valorisation de l'égo aussi régressive que juvénile ; mais cela n'a jamais empêché l'émergence de spécimens parfaitement singuliers, parfois même plus que les artistes qu'ils piratent. Des types avec un groove aussi assommant que la phrase que vous venez de subir, mais au sens propre. Des petits cons du monde capitaliste habités par le mojo musical. D'authentiques laborantins du boom-bap, dévoués au plaisir mélomane le plus brut.

EPMD sont de ceux-là. Qu'on aime ou pas la paresse typique de leur flow, ou qu'on reste dubitatif devant leur blase rudimentaire signifiant "Erick and Parrish Making Dollars", l'époque n'était pas encore à l'hypocrisie et à la moraline : les intentions étaient affichées sans filtre, et seul le plaisir brut de l'egotrip primait. Et la musique était si dure qu'elle avait un pouvoir assouplissant, au niveaux des articulations notamment. Dès les premières secondes de Strictly Business, s'opère un transfert magique dans l'ambiance radicale du vieux hip-hop (ou pour citer Parrish Smith : "You now enter a dimension called the Twilight Zone") à gros coups rustres de "I shot the sheriff" encastrés dans du Kool and the Gang. Une des greffes les plus débiles mais réussies du rap. On est immédiatement saisi par une chimie. EPMD formaient, ex-æquo avec Eric B. & Rakim, l'équivalent hip-hop de Stanley Kubrick. Des maniaques du contrôle, du frontal, du total. Flow bicéphale et monolithique, plus posé et neutre qu'un socle, semblant en permanence nous toiser derrière son gros bureau, donnant la sensation d'être non plus auditeurs mais clients, voire patients, peut-être assis sur une trappe que les associés EPMD pourraient actionner sans aucune émotion en appuyant sur un bouton. Une approche quasi-doctorale du hip-hop, 100% blasée, assez bien résumée par la pochette. Avec des lyrics parfois douteuses ("I'm as deadly as AIDS when it's time to rock a party"), mais une régularité sans faille dans le beat hautement qualitatif. Si le hip-hop de EPMD est inspiré par l'esprit funky de Los Angeles et une vie insouciante de bons-à-rien persuadés que l'univers gravite autour de leur zguègue, il est New-Yorkais, donc austère comme cette côte Atlantique, tourné vers l'Europe comme Bambaataa ou les excellents Newcleus qu'il sample. Aussi expérimental, bidouilleur, magnétique, que du Kraftwerk (ou du Cybotron), et incorporant de nouvelles idées carrées dans un genre qui tournait déjà en rond en 1988... Du funk détruit puis reconstitué en puzzle. Groovy, mais glacial. Mécanique. Avec des sons parasites (mais commensaux, voire phorétiques) incrustés de façon intelligente (calculatrice) un peu comme les samples de bruits industriels dans les premiers Pere Ubu. Aucun des albums suivants, malgré de très bonnes choses dans le second et le quatrième, ne sonnera aussi frais que celui-ci... EPMD se dilueront dans la masse. Ici leur son est encore totalement symbolisé par leur pose, leur blase : franchise de la marchandise, transparence du processus de fabrication, manutention supervisée par des professionnels déjà rompus sur les moniteurs Atari dernier cri d'une manufacture secrète. Une opération à la virilité nonchalante ("Let the funk flow" ou le très cold "You're a Customer"), signature de leurs flows qui fera des petits dans les 90's. Un hip-hop tranquille mais puissant, "chilled", du genre à terminer un casse-tête niveau 5 sur la banquette arrière pendant une drive-by sans se sentir concerné par les balles perdues, le mot-clé pour EPMD est définitivement NONCHALANCE, celle d'un rap qui pénètre le cortex devant son terminal noir tout en achevant méthodiquement la programmation d'un 3615 meurtrier. "I have the capability to rap and chill / Cold wax and tax MCs who tend to act ill".

Recommandé à ceux qui n'ont pas de temps à perdre avec des introductions verbeuses et veulent déguster l'essence du hip-hop sans préambule. Écoutez "Get off the Bandwagon", et venez me dire que vous avez encore envie d'autre chose dans le rap, sinon ce boom-bap electro-échoïde aussi réjouissant qu'un milk-shake concocté par Terminator. Terminez sur "Jane" et appréciez ces grossières confessions machistes à l'autodérision subtile. EPMD se paient même le luxe de n'avoir, contrairement à Eric B. & Rakim, aucun déchet sur leur album : l'instrumental dédié à "D.J. K. La Boss" est une petite pépite de rythme et d'ambiance 80's. Ces deux kékés mollement enjoncés dans leur siège de bureau étaient, derrière leur apparence minimaliste, de singuliers requins... Comme leur disque, d'apparence simple mais pas simpliste, qui n'évoquera aux oreilles pauvres d'esprit qu'un cube - à la rigueur un cube fait avec des cubes - alors qu'on leur a surtout tendu un Rubik's cube.

note       Publiée le mardi 6 novembre 2018

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    vigilante Envoyez un message privé àvigilante

    Quant à Business Never Personal ils ont trop durci le ton, je n'apprécie pas plus que ça. Il n'a pas le charme cool à la diction paresseuse des deux premiers. Erick Sermon en solo sur son album "Double Or Nothing" n'était pas dégueu dans son genre...l'album faisait un tabac en soirée hip hop à l'époque crois moi tu peux y aller. Un son d'enfer ! Bref je ne dis plus rien parce que....

    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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    Finalement, pas si fan que ça des 2 suivants "Strictly Business" et "Business As Usual", groovy mais monotones dans leur efficacité. J'en sauverai quand même ce sample-boucherie du piano honky tonk de "Woman To Woman" de Joe Cocker, tournerie que saura repiquer Dr Dre pour son "California Love", qui n'est au fond qu'un gros mash-up. Un bon son brut pour les pillards, j'imagine.

    dimegoat Envoyez un message privé àdimegoat
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    En pleine période EPMD, partagée entre celui-là et Business Never Personal. Ils ont ce truc que je ne retrouve pas partout, mélange de gros funk et de nonchalance (marrant, j'ai lu la chro APRES avoir posté et c'est plutôt...raccord)

    Raven Envoyez un message privé àRaven
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    Unfinished est fort sympathique oui, pendant un moment je l'ai même cru meilleur que celui-ci (l'effet "anti-classic"), mais finalement j'en retiens toujours en tête que la plus FM et conne : "You had too much to drink".

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    Il est pas mal en fin de compte le suivant, il commence bien fort en tout cas

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