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Radiohead › A Moon Shaped Pool

cd • 11 titres • 52:31 min

  • 1Burn the Witch
  • 2Daydreaming
  • 3Decks Dark
  • 4Desert Island Disk
  • 5Ful Stop
  • 6Glass Eyes
  • 7Identikit
  • 8The Numbers
  • 9Present Tense
  • 10Tinker Tailor Soldier Sailor Rich Man Poor Man Beggar Man Thief
  • 11True Love Waits

informations

line up

Colin Greenwood (basse), Jon Greenwood (guitare), Ed O'Brien (guitare), Phil Selway (batterie), Thom Yorke (chant)

chronique

La formule Radiohead est constante depuis un moment : les pochettes et les titres les plus ratés nés de l'esprit d'un designer contrarié avec l'humanité, renfermant des albums soigneusement peaufinés et impeccablement tiédasses... A Moon Shaped Pool ne dérègle pas à la loge, et pourtant, il a au début tous les airs de leur album le plus abouti. Du moins dans une bonne moitié, déployant des colimaçons obsédants, qui captiveront l'auditeur assez perméable à leur toxicité lunaire. La seconde étant plus ardue et volatile, avec des airs de réunion marketing sur la pop expérimentale trop subtile pour le commun des mortels, avec ces détails toujours méticuleux, voire vicieux...

A Moon Shaped Pool se présente avec la gueule hagarde d'un lundi incertain. À l'image de Thom Yorke, chanteur-symbole de toute une génération de babtous fragiles (en même temps que Johnatan Davis), qui revient au monde plus flapi qu'un opiomane corse aux aurores, avec son gosier de thérémine et ses yeux de clebs agressés par la lumière artificielle de ce présent-futur froid, cet aujourd'hui de l'ampoule fluo-compacte et du tout-bio relatif... En somme, comme il se montre dans ce clip très classique/cliché de "Daydreaming" mis en scène par le très soigneux P-T.A. Synthèse de leur style - ou prescience de leur musique d'angoissés sereins ? - on se croirait vraiment revenus dans la seconde moitié des années 90, quand le bidule pathétique Radiohead a été aussi médiatisé qu'Oasis alors qu'il avait moins d'ambition populaire qu'un Smog ; revenus à l'époque du trip-hop, celle du crépuscule d'un siècle aux airs persistants d'aube sur le balcon du vide... Celle du névrosé malingre Thom, qu'on verrait invité pour la promo chez le cocaïnomane Ardisson, coincé entre un ex-ministre accusé de magouilles et une actrice porno qui sort un livre "super intéressant". On se dessinerait bien la scène, gênante : "Comment vous voyez-vous en 2016, Thom ?" - "Well, I s..." - "HAN HAN, HAN HAN - Thom, dites-donc c'est quoi ce trou sur la pochette ?! c'est pas une référence à Hole, le groupe trash de Courtney Love ? Vous faites donc du trash-metal maintenant, Thom ?" - "...."- "Hé, Yorke, serais-tu prêt à enregistrer avec Cher ? Verra-t-on un duo Yorke-Cher ?" - "HO HO HO ! - Bravo mon Lolo !" - *applaudissements nourris par le chauffeur de salle* - "..." Avec ça il y a de quoi excuser bien des déprimes, de quoi bâtir des refuges audiotistiques, de quoi être un paumé errant dans des rêves trop compliqués...

A Moon Shaped Pool a le feng shui d'un cocon vivant, à la fois doux et contrarié... Le goût d'un éternel "peut-être" à la saveur tenace, d'un "mouais" obsédant, la moue d'une ombre sortie du lit, de cet adolescent usé et ridé qui geint dans la brume d'un état permanent entre sérénité et terreur latente... De la vraie musique pour ceux qui clignent peu des yeux devant la lumière bleue, compensant par internet une dépression plus que jamais latente et l'absence de projet concret (Macron ne vous a donc pas motivés à créer votre start-up ? Dans quel monde vivez-vous ?), une musique qui fait écho à ce monde super-sympa qui nous lisse, avec ses banquiers, ses fonctions, ses entretiens, ses séminaires, ses travailleurs du tertiaire assis dans des bureaux toute la journée à classer des dossiers renfermant des tas de numéros qui font mal à la tête... Une musique pour la population de plus en plus citadine et myope. Une musique souvent piteusement évanescente.

Incandescente, cependant, sur le bien à part "Burn the Witch". À ma surprise générale. Qu'on veuille ou non du morphéen A Moon-Shaped Pool, on sera sans discussion prié de passer par la purification esthétique de ce qui pourrait servir d'hymne-convertisseur à n'importe quelle secte à laquelle j'adhérerais sans hésiter (tant que ce n'est pas celle des fans de Radiohead). "Burn the Witch" s'adresse à tous, sans filtre. Unisson première dans le halo résurrectionnel avec tous ces petits urbains grêles aux rêves en flan vegan, tous ces mêmes pour qui OK Computer est un disque de chevet. Non, je ne vous parle pas de cette lampe de chevet avec son ampoule soit-disant respectueuse de l'environnement, fichus drogués du fade ! Je vous parle ici de Lumière Vraie. "Burn The Witch" m'a irradié, et fasciné, et son charme semble immortel. "C'est le "Eleanor Rigby" des années 2010", m'a fièrement décoché cette stagiaire parisienne à l'imagination un peu étroite officiant dans un magazine très corruptible dont nous tairons l'identité. Mieux que ça, stagiaire étroite, même si je vois bien où vous voulez en venir avec vos violons, vous êtes encore trop timide (et n'avez pas écouté les paroles) : une circonvolution primordiale à l'harmonie totale... une épiphanie ! Un accident probablement, vu la faiblesse assez caractéristique de ces vétérans de la pop expé kéblo à vingt degrés Celsius, mais un accident qui tient du miracle ! Et avec ça aussi magnétique passée cent écoutes qu'elle ne le fut à la première où elle se révéla d'emblée toute nue et entière. "Burn the Witch" restera ce phare orphelin, ce générateur d'ASMR par vagues parfaites, en bref le meilleur morceau de Radiohead à ce jour, haut la main, limpide et d'allure simple, synthétique et peaufiné sur des années en réalité. La suite de l'album tenant du sans-doute et du on-verra.

Le second single "Daydreaming" évoqué plus haut, ballade aussi abattue que sa paupière gauche sur une mélodie pour vidéo de présentation de compagnie aérienne, révèle l'ange flasque Thom Yorke tel qu'il est tout cru : l'incarnation du dépressif longue durée, affaibli, se traînassant comme un chien battu dans son loft immaculé, et un morceau auquel on penserait en premier si on avait plus la force de se lever pour manger, se doucher, à peine assez pour appuyer sur 'play' et entrouvrir les yeux devant les premiers rayons du soleil. La suite ? Une incertitude soigneusement ciselée, des geignardises compliquées... Un ennui intéressant, typiquement radioheadien, qui nécessitera avachissement pour saisir par bribes de visions claires-obscures ce qui fait Radiohead, cette névrose en lame de fond permanente qui fonctionne au gré des remous. Une forme de faiblesse focalisée sur elle-même au point de créer des bourgeons de chansons intéressantes, qui parfois donnent fleur, parfois irritent.

Si on excepte les chansons "pop de chambre" avec accompagnement classieux-dépouillé, les morceaux suivent souvent le principe, très trip-hop, de la boucle en éclosion lente ("Decks Dark", qui fleure le progressif seventies)... Avec, un fois n'est pas coutume, une espèce de feeling lancinant-nauséeux sous l'apparence laiteuse, leur goût pour Penderecki sans doute, des cordes lancinantes et des métastases électroniques diffuses, en sous-couche de titres d'apparence purement inoffensive, ou de la ballade bucolique ("Desert Island Disk") mâtinée de petits sons psyché-mignons. Il y a aussi le suspense lancinant de "Full Stop", son pouls inquiet, réminiscence probable d'un Mezzanine... Pas exactement rien non plus. Il y a du moment folk naïf et épuré à la suite, des machins vaguement intéressants qui balancent dans le vide et qui ne mènent nulle part ("Glass Eyes"), et puis après, ça tire clairement en longueur, folk-pop-prog-electro-ambient, jusqu'à frôler l'intoxication par le fade... L'effet "grower frustrant" est une nouvelle fois manifeste. Et la graphomanie crasse de mon espèce plus que pérenne avec de tels disques, j'en conviens volontiers.

note       Publiée le mardi 23 octobre 2018

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Note moyenne        9 votes

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Sartoris Envoyez un message privé àSartoris

Confortable, confortant, quelques moments d'ambiance de ci de là plutôt que des mélodies ou morceaux de bravoure. J'aime bien l'écouter, mais quand j'essaie de m'en souvenir, que pouic.

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Vilain Barbu Envoyez un message privé àVilain Barbu

LOL, je pense exactement le contraire de cette chronique ! J'aime tout dans cet album à part Burn The Witch qui me gave... Probablement parce que comme j'aime pas les Beatles, le côté "nouveau Eleanor Rigby" me touche pas... Mais j'aime beaucoup cette pop lente et vaporeuse en fait et c'est cet album que j'écoute le plus en ce moment, quand je me décide à écouter du Radiohead en tout cas

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Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

Très belle chronique et qui correspond à peu près à ce que je ressens vis-à-vis de cet album maintenant. Quand on lisait les critiques à l'époque de la sortie de l'album, on avait l'impression que Radiohead sortait un nouveau chef d'oeuvre mais aujourd'hui, que reste-t-il de cet opus finalement à part le grand vide au milieu de sa pochette ?

saïmone Envoyez un message privé àsaïmone
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Au moins radiohead auront eu le mérite d'être chroniqué par raven

torquemada Envoyez un message privé àtorquemada

Franchement décevant celui-là : ça démarre très fort avec les deux premiers titres mais ensuite c'est vraiment soporifique (à part "Ful Stop" et "Identikit").

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