John Zorn › The classic guide to strategy - Volume one

Là ce soir, je vous parle d'un enregistrement assez ancien de John Zorn, du temps des Parachute Years, le premier volet de la série des "Classic guide to strategy". Donc, forcément, vu la période, c'est de l'éprouvant ! Voilà, le projet de ce guide est prévu pour se dérouler sur 5 albums. Ce premier volume date de 1983 et 35 ans plus tard, nous en sommes à 4 albums. John ne sait pas encore s'il arrivera un jour au bout. Pourtant ici, John est tout seul avec ses saxophones, ses clarinettes et ses appeaux. Oui mais c'en est tellement intense et éprouvant, et le processus créatif est tellement long que déjà être arrivé à 4 disques est un exploit ! Pour parler plus spécifiquement de ce premier volume, il s'agit de 2 titres de près de 20 minutes chacun, un par face du vinyle d'origine, enregistrés le même jour et pour ainsi dire improvisés où John s'amuse à créer des sons avec ses différents instruments. Vous imaginez bien le résultat assez extrême et hermétique. Sans aller jusqu'à la folie du "Mikhail Zeotrope" des "First recordings", le premier morceau est le plus difficile à s'enfiler. Peu de véritables structures, n'espérez pas y trouver une once de mélodie, non, là, ici, tout est saccadé et sans queue ni tête. Je ne dis pas que c'est inaudible. On n'a pas de découpage ni de superposition de pistes, c'est surtout une séance de laboratoire où John essaye des choses, des sons, mais sans véritable but précis. L'utilisation d'appeaux donne un p'tit côté champêtre rigolo mais ça devient vite exaspérant. La deuxième partie est un poil mieux structurée, on sent que Zorn maîtrise mieux son projet. Sur cette deuxième face, il s'essaye à la musique de cartoon. On peut donc observer l'enchaînement de plusieurs séquences plutôt distinctes de parties durant chacune quelques dizaines de secondes, chacune d'entre elles représentant en fait des mini-morceaux où Zorn essaye une technique sonore particulière, une utilisation spécifique de ses instruments, sur quelques mesures plus ou moins claires avant de passer à la séquence suivante. Aussi, contrairement à beaucoup de ses albums improvisés et/ou ultra-expérimentaux, ce disque n'est pas spécialement bruyant ni brutal, ce qui aide à pouvoir essayer de le comprendre. Surtout, la deuxième partie possède un côté visuel qui aide à suivre les méandres de ces compositions alambiquées. Après, il faut être clair, ce disque est exigeant. La réédition de Tzadik de 1996 propose à la suite les deux premiers volumes de ce "Classic guide to strategy", sur près de 80 minutes. Là pour le coup, impossible de se farcir le CD en entier d'une traite, sinon, c'est l'overdose ! Au début de sa carrière, John Zorn avait quand même un univers particulièrement opaque et brumeux, ce premier volume de ses "Classic guide to strategy" demande de l'investissement, il nous donne quelques clés, quelques sonorités, quelques phrases musicales qui se retrouveront dans les travaux futurs du new-yorkais, un peu comme s'il s'agissait d'un laboratoire sonore, d'expérimentations et de répétitions pour aller plus loin et créer petit à petit sa propre palette de sons qui seront utilisés, aménagés, triturés sur l'ensemble de son oeuvre. Il n'en est ici qu'à ses balbutiements et pourtant déjà on a en face de nous le travail d'un artiste déjà bien atteint !!