Voilà bien longtemps que je n’ai plus acheté de disque d’heavenly, ce côté trop beau, trop pur, trop céleste, ce n’est pas moi, j’ai trop les pieds sur terre visiblement; même les Cocteau Twins d’après ‘Victorialand’, ça me saoule…Mais Them are us too, c’est autre chose (quel nom génial !)…Cash Askew et Kennedy Ashlyn avaient tout pour réussir et défier les plus grandes pointures du genre mais la première n’aura jamais l’occasion d’en savourer le miel. Le Ghost Ship, un dépôt reconverti en collectif d’artistes, Oakland, USA, prend feu en décembre 2016: 36 morts, dont Cash, âgée de 22 ans seulement. ‘Amends’ est sorti après sa mort. Sa partenaire a repris les démos composées et les a terminées en compagnie du beau-père et de la copine de la défunte. Voilà qui explique partiellement l’onde de tristesse qui baigne la beauté cristalline de ces six compositions mais pas uniquement. Déjà sur l’unique LP du groupe, le chant de Kennedy Ashlyn m’avait frappé. Pur, angélique mais nappé d’un léger halo inquiet, résultat sans doute d’une vie difficile dès le départ: être transgenre n’est jamais chose aisée aujourd’hui encore. En Cash Askew, transgenre également, elle avait trouvé la parfaite âme sœur artistique, l’entité complémentaire. Dès les premières notes, on est frappé par la pureté de la production (je sais, j’utilise beaucoup le mot ‘pur’ mais c’est sciemment). Écoutez donc ‘Angelene’, ce magnifique titre ambient aurait pu figurer sans problème au sein de This Mortal Coil… Nappes hivernales mais ensoleillées, du genre de celles annonçant le proche printemps, une voix qui paraît se démultiplier dans un écho fragile, flotter dans l’air, sans autre attente que de s’élever dans l’instant présent. On frise le mystique tellement c’est magnifique. Idem pour ‘Grey water’ et ses claviers émouvants. Ma chanson favorite, ‘Floor’, est pourtant rythmée, plus torturée dans le feeling, preuve que le groupe avait plusieurs cordes à son arc, puisant dans le shoegaze, l’heavenly mais aussi le goth, d’où la touche obscure plus que triste qui traverse certains passages. Les compositions atteignent ou dépassent les cinq minutes; nulle lassitude pourtant tant on se laisse aisément piéger dans ces toiles sonores et la magie de ce chant réellement grandiose. Un autre atout des deux artistes est leur sens inné de la mélodie qui conserve aux pièces une approche directe subtilement baignée dans un climat spirituel. ‘Could deepen’ ose même une touche progressive en modifiant la portée mélodique après plus de cinq minutes de musique. C’est le Cocteau Twins de ‘Treasure’ mais avec l’inquiétude de ‘Head over heels’ que l’on retrouve ici. Magnifique hommage des proches, testament étincelant, ‘Amends’ est un disque de soleil après l’orage; Cash en aurait été fière…