Parmi mes films favoris, ‘Gothic’ de Ken Russell…Forcément, le thème m’inspire au plus haut point: Byron et Shelley (mes héros) magnifiquement interprétés par Gabriel Byrne et Julian Sands durant la nuit d’orage sur les bords du Lac Léman dans la villa Diodati au cours de laquelle, pour se distraire, les convives se lancent le défi d’écrire une histoire de fantôme, un conte gothique selon la mode allemande. Seule Mary Shelley poussera l’expérience au bout avec son fantastique et intemporel ‘Frankenstein’ (bien sûr, il y a ce brouillon de Byron dont John Williams Polidori se servira pour rédiger ‘Le Vampire’). Tout me plaît dans ce film, les décors, les acteurs, la folie propre au réalisateur anglais, le symbolisme, l’ambiance qui vire au cauchemar à force d’alcool et de laudanum…Tout sauf la musique. Composée par Thomas Dolby, elle représente le bémol du film et pourtant, étrangement, je l’aime bien…Mais plutôt écoutée hors du contexte du film ! Elle n’est pas forcément mal écrite mais son parti pris des sonorités synthétiques se confronte mal au réalisme du film. L’Anglais n’est certes pas le seul, on pourrait songer aux Goblins (son travail se profile d’ailleurs dans une veine assez similaire, l’aspect rock en moins) mais Dolby peine à créer un malaise car les images parlent d’elles-mêmes et les mouvements de caméra suffisent largement à évoquer folie et troubles, même si je dois reconnaître qu’en termes de rythme, elle soutient correctement certains passages où les personnages frôlent la schizophrénie, ne sachant plus ce qui est réel ou le fruit de leur imaginaire. Ecoutée pour elle-même, elle prend des allures d’opéra baroque composé au Fairlight au sein duquel l’aspect synthétique du clavecin, les boîtes à rythmes, les nappes, ne dérangent plus. Du coup, il m’est plus facile de m’immerger dans l’ambiance spéciale de cette B.O. car je dois bien admettre qu’il s’en dégage une. Tour à tour rapide, piquée, tendue (la poursuite dans le jardin quand de jeunes midinettes coursent Shelley et Mary, les poursuites dans les escaliers de la maison qui prend des allures de labyrinthe), mélancolique (Byron songeant à son grand amour interdit, sa demi-soeur), graves (les visions du bûcher funèbre de Shelley) mais aussi un peu malsaine, à la manière des Goblins avec cette capacité d’asséner des sons limite kitsch aux limite du Ad Nauseam jusqu’à instaurer une certaine angoisse. Quelques samples religieux, quelques paroles bien senties extraites du film (‘Look into my eyes, I said look into my eyes’), cris, éclats de voix complètent cette fresque. Autopsie terminée d’un cas étrange de musique de film à écouter sans le film pour pouvoir l’apprécier comme l’opéra synthétique expérimental qu’il est. A noter que certaines éditions proposent en final le titre ‘Devil is an englishman’, un horrible morceau de pop 80’s au chant limite rap, avec coeurs féminins et toute la merde adéquate, d’aussi bon goût que d’avoir complété la B.O. de ‘Dracula’ par une chanson d’Annie Lenox. A se demander ce qui passe par la tête de certains producteurs….