Alors que la France s’extasie sur le ‘talent’ de Louane et Kids United, Laura Cahen chante les pas dans la neige, le ciel gris aux parfums de sel, le goût des horizons un peu lourds mais si fascinants, la poésie d’après-orage, le besoin de fuite, qu’il soit dans la tête ou sur la route…C’est ainsi, il y a des artistes qui savent parler aux vents, aux oiseaux, aux seigles ou aux gens capables d’écouter. Laura Cahen est de ceux-ci. ‘Nord’, tout est dans le titre. Quiconque s’est enivré du parfum de l’hiver, de l’odeur des embruns, tous ceux qui savent contempler les lumières se reflétant dans les flaques à la tombée de la nuit, écouter le crissement des feuilles mortes pourront se reconnaître dans cette magnifique collection de chansons à la fois intimes et baignées d’espace. Comme une soeur nordique de feu Lhasa, la jeune femme nous propose un premier opus en quatre parties comme autant de voyages oniriques ou physiques marqués par les éléments des saisons. Il se dégage de ces compositions une douce tristesse qui serre un peu le coeur mais sans l’étouffer, une mélancolie qui réconforte dans le deuil, l’espoir et la renaissance après la mort. Même quand elle évolue dans les couleurs de l’été (‘Les cigognes’, ‘Feu’), le ton n’est jamais à la légèreté (‘L’été noir’ peut-on lire en intitulé), sans pour autant virer à la tragédie. C’est tout le talent de Laura Cahen, toucher, émouvoir, faire pleurer même, tout en laissant entrevoir la lumière telle une gloire d’après-orage. Un chant lyrique, mi-éthéré mi-terrestre, parfois lointain, comme noyé dans la brume, parfois tout proche, comme pour nous guider; la chanteuse sait obtenir le maximum sans esbroufe superflue, sans pathos artificiel, juste de la sincérité, une sensualité trouble et hypnotique. Usant d’acoustique, d’électronique et d’un zeste électrique, assemblés en un équilibre parfait, Laura Cahen crée une pop délicate, fragile et forte à la fois, ample (‘Froid’), rituelle (‘Je sombre’) et intimiste selon les besoins émotionnels de l’instant. A l’image de sa silhouette vêtue de noir dans le magnifique clip du splendide ‘Loin’ (le titre qui m’a accroché l’oreille un soir d’insomnie à la TV; comme quoi on découvre encore de belles choses dans cette foutue boîte à images) qui se masque le visage avec un bandeau à deux trous pour les yeux, les chansons de cet album offrent autant le repli sur soi qu’une porte vers des horizons infinis…Laura Cahen, la femme aux semelles de vent….