Bestia Arcana › Holókauston

Je vis dans un lieu particulièrement venteux notamment en hiver. Faut s’accrocher parfois ! Tout s’envole, même les choses qu’on s’imagine trop lourdes pour être arrachées comme ça, les racines cèdent, un arbuste est coupé net au niveau de son tronc, ensuite, les tuiles, le haut des maisons, des mottes de terre, les cadavres d’animaux pas encore secs, les sacs en plastique forment des arbres de Noël au bord des routes, les automobilistes regrettent de ne pas avoir mis deux années de salaires de plus en crédit pour acheter la gamme au-dessus, des planètes entières explosent comme dans "L'histoire sans fin" rongée par le Néant, les enfants angoissent et moi : ça m’énerve. Je ne sais pourquoi, mais le vent a le don de me mettre en boule : je croise les bras en signe de protestation, et le vent me dit "pfff". Moi je lui réponds : "eh, mais je te connais, tu fais aussi de la musique non ? Ou c’est un tour de passe-passe magicomagique pour t’enfermer tel un djinn dans mon cd hein ?". Et là il me dit : "i would prefer not to". Je laisse tomber et j’empoigne ce disque de Bestia Arcana, juste pour me satisfaire : "j’ai raison, je suis seul ici, et j’ai raison car je suis seul ici" (en plus de l’air et du vent, évidemment) ; Bestia Arcana, un arcane de la bête. C’est quoi un arcane ? Je tape dans le gogol, et Mauriac tel un zombie sors de sa tombe et me marmonne : "gnéééé, ce qui distingue un romancier, un dramaturge, du reste des hommes, c’est justement le don de voir de grands arcanes dans les aventures les plus commuuuuuuuunes. Toutes les aventures sont commuuuuuunes, mais non leurs secreeeets ressssssorts.". Pas bête, enfin, c’est ce que veut dire ce groupe non ? Du vent, les bouts d’infini qui se cachent entre l’index et le majeur, regardez bien : ça fait loucher au bout du moment, et il y a comme une lumière qui sort, blanche, jaune, bleue et rouge, ça se mélange, votre bouche sort des oreilles, et le cd, sous de bonnes conditions, si tout est bien aligné peut vous faire prendre un peu plus conscience du caractère essentiellement venteux de toute une partie du black et / ou death occulté (mais par quoi ?), notamment celui sorti par ce label étant établi trop loin de chez moi : Dark Descent. Donc, au menu : quatre longs morceaux qui racontent des histoires avec de grandes gorges et autres machins qui volent en arrière-plan… en fait, ce qui est le plus important est ce qui se passe derrière ; c’est comme la stéréo, des fois, on préfère ce qui sort à gauche, moins ce qui sort à droite ; The Bleeding de Cannibal Corpse je préfère à gauche par exemple ; là sur Holókauston je préfère, aujourd’hui, ce qui se passe au fond. A vous de choisir : devant c'est bien aussi ; à côté, nulle part, pareil. Et bon dieu, c’est même mieux que Nightbringer – j’apprends petit à petit que ce groupe, avec cet Akhlys aimé et non chroniqué qu'ils sont des rejetons du même crew coloradien. Enfin, si vous n’aimez pas la mort qui bruine avec des harmonies de cris et de manifestations tubulaires sur de longues minutes avec riffs très répétitifs, mesures très longues, eh bien achetez-vous une guimbarde. Ou un pot de miel. Si vous aimez, vous verrez, c'est plaisant, ça rend plus… large. Ça fait pousser des bras. Ça fait pousser deux trois yeux, trois quatre oreilles. Et ça fait sourire.