Omar Rodríguez-López & Lydia Lunch › Omar Rodríguez-López & Lydia Lunch E.P

En apercevant le nom de Omar Rodríguez-López, certains pousseront des cris d’orfraie et se sauveront en courant, d’autres en baveront le sourire béat au coin des lèvres. Pour ma part, je suis neutre (en plus je suis suisse), je n’ai rien contre certains morceaux de At the Drive In, je suis même capable d’apprécier quelques plans de Mars Volta quand on n’abuse pas des schémas techniques d’auto-branlette qui n’intéressent que les virtuoses mais, cela ne surprendra personne, c’est surtout le nom de Lydia Lunch qui a attiré mon attention sur cette collaboration. Ce petit album se découpe en cinq plages qui s’enchaînent sans interruption; d’un point de vue musical, on a donc l’impression d’écouter une séquence unique de près de trente minutes qui pourrait aussi bien être une improvisation. Ambiance fusion avec rythmique funky, cuivres free jazz, guitares psyché-funk, dans un roulement discontinu proche de la transe, toujours aux limites de la dissonance sans jamais l’atteindre. Au dessus de cette mêlée confuse, la voix de Lydia paraît planer comme celle d’une déesse. Voilà qui tombe bien, la Belle nous assène un poème sans concession, lui aussi en plusieurs sections, sur Dieu (‘le premier flic’), qui nous mène de fil en aiguille sur le pouvoir du Blanc Occidental et de son petit kiki qui le conduit à provoquer des guerres car ‘aucune femme n’a jamais provoqué de guerre mondiale’. Quelques effets d’échos pour ponctuer certaines paroles acérées renforcent l’effet hallucinogène de cette cérémonie sans concession. Musicalement, on ne navigue pas forcément près de mes rivages mais une fois encore, Lydia est magistrale; juste, précise, avec son verbe tueur et sa sensualité torve, elle nous balance des vérités on ne plus plus contemporaines sur les rapports entre la religion, le machisme, le pouvoir…Pas le plus évident des travaux expérimentaux de l’Américaine mais plus qu’à une simple écoute, c’est à une véritable transe réflexive que nous convient les deux artistes. Il faut être prêt à jouer le jeu, sans tabou.