Qu'est-ce qu'il se passe après ? Après le dernier souffle ? Cette question finalement bien banale est pourtant un leitmotiv dans des musiques dites sombres comme le heavy metal : suffit de voir le nombre de zombies dans la discographie d'Iron Maiden, et on se rend compte qu'il y a comme une obsession de la putréfaction, de l'enterrement, de la violence de la vie donnant la mort quoi qu'il arrive - et vice versa ? Enfin, ça c'est une autre histoire, cf. peut-être disques de Yob pour quelques réflexions là-dessus... Je parle de heavy metal, d'Iron Maiden, de mort : parce que je parle de Pagan Altar qui, quelques années après que j'ai pu les voir en concert jouasse comme un saumon frétillant vers la source de toute flotte, puis deux ans après la mort de leur leader et chanteur Terry Jones nous sort son ultime album - ultime, parce que je les imagine mal se saigner pour enregistrer un album sans l'une des voix de la NWoBHM - enfin, cf. chroniques à côté, cette célébrité fut acquise a posteriori, surtout envers les néo-doomeux errant dans les ruelles de telle ou telle cité septentrionale à l'occasion d'un festival, troquant uniforme de boulot pour des vieilles vestes couvertes de patches de groupes un temps oubliés comme Witchfinder General, Satan, Weapon, Angel Witch, Holocaust, Tank, etc. Pagan Altar est mort, ceci est le chant du cygne - ça tombe donc bien puisque ce groupe ne parle que de glauque depuis sa création, et il meurt correctement, malgré des chansons qui ont décidément oublié de se sortir de la gangue de 1978, malgré des paroles et visuels qui ont complètement ignoré le futurisme, le punk et quoi que soit d'innovant pour préférer envers et contre tout Donjons et Dragons ou les messes noires. Pagan Altar râle une dernière fois sa version du heavy metal, mid-tempo, avec des solos très mesurés, avec une voix qui tient les morceaux du début à la fin, pincée, tremblotante, légèrement vicieuse par moments, très lyrique le reste du temps, donnant donc au fanatique une dose de heavy de très bonne facture, mélancolique, un peu à bout de souffle comme un magicien ayant abusé sur les sorts de guérison. Ce son trainant, un tantinet déprimé et fatigué c'est la patte de Pagan Altar : ce n'est pas du heavy agressif, c'est quelque chose de très très posé, bien plus proche encore de leur traditions de musique dite "folk" que tous leurs congénères - le nombre de ritournelles sorties de contes et légendes locales qu'on retrouve dans les riffs de ces groupes anglais m'emmène à dire qu'il y a bien que dans le pays de Pentangle et de Fairport Convention qu'on pouvait enregistrer des trucs pareils. Moi, j'aime la musique folk, j'aime la musique à lutins de champis, et Pagan Altar, je sais pas vous, mais je crois que eux aussi ils ont aimé lécher des souches et faire des soupes d'amanites au milieu des tombeaux décharnés jonchant les sols de la vieille campagne anglaise... enfin, voilà donc un joli album, pas très original, le groupe tenant nettement grâce à cette voix si particulière car le reste est assez à l'avenant, composé certes avec simplicité et honneur. Je n'aurai pas l'outrecuidance de finir cette note par un "R.I.P." mais toujours est-il que les années passent et que les acteurs qui ont fondé ces grandes lignes du heavy metal et de ses descendants sont en train de mourir de manière exponentielle, donc, il est je pense normal de constater qu'une page se tourne dans ce genre et on peut, de manière doomy gloomy, se lamenter tout naturellement de ce sentiment de dégradation et de perte en s'écoutant cet album testamentaire avec amertume, c'est de bonne guerre !