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Toshiaki Ishizuka (batterie, percussions, arrangements), Kazuki Tomokawa (chant, guitare), Kyoko Furuya (piano, claviers, chœur, arrangements), Kazumi Kiyono (basse), Yukihisa Yumiba (biwa), Kazuo Suguro (guitare électrique), Asuka Kaneko (violon), Masashi Kikuchi (shakuhachi, flûte)
L'enregistrement de ce disque marque la fin de la première période franchement active de Kazuki Tomokawa sur la scène folk ; et, comme pour marquer le coup sans le savoir, le chanteur y appose pour la première fois une de ses œuvres picturales. Prémisse d’une tragédie à venir... Lune étrange aux yeux tombants dominant des arbres, ou reflet d’un soleil cramoisi projetant son ombre sur l'eau ? La silhouette solitaire plonge son regard perdu dans le nôtre. Elle attend. Coup de sang sur un métal froid. Bientôt, des cordes massacrées par un plectre accompagneront l'étrange baigneur pâle. L’entrée en matière musicale est aussi intense que sur le précédent album : "You, My Dear" vient affûter les paroles de mort Shin'ya Yamamoto, ce sulfureux réalisateur de roman porno n'ayant que ce mot à la bouche. Un autre meurtre, cette fois à la batte de baseball ("Sky’s the Limit and Murder"), confère à l'apparition du tableau un sentiment de malaise encore plus prégnant, la tension extrême menaçant de lâcher d'un claquement sec. Mais avant que la limite soit atteinte, un shred de biwa met en fuite le doute. Tempête à faire dresser les cheveux de Kinshi Tsuruta. On frôle l’hystérie maladive d’un loup hurlant vers le ciel nocturne. Il faut donc savoir savourer les quelques îlots de douceur, déposés délicatement : le fameux "Hey Santoka", composé par le pianiste Kyoko Furuya, offre un refuge temporaire gracieux contre les idées noires. Derrière Tomokawa, des enfants lui emboîtent le pas ; pleine de douceur, la violoniste l’accompagne vers l’océan. On ne peut imaginer ce disque sans l’étape précédente, cruciale, celle de Sakura. À l'évidence, les deux disques partagent beaucoup de points communs, mais Umi Shizuka nous pousse encore plus loin ; vers le point de rupture en fait. "Trees Are Spring Itself" en particulier ne laisse pas indifférent Fumihito Taguchi, grand spécialiste de l'acid folk en son pays, qui y voit un tournant du genre. C’est une suite logique, un pas de plus dans la même direction. Au détour d'une sorte de piano rock, les expérimentations sont encore bien là. L’outro de la première face a été composée pour la compagnie théâtrale avant-gardiste Hadimashi Gekijo ; l’effet miroir prévaut encore, le dernier morceau de l’album développant derechef des instants merveilleux et inquiétants, dont la pleine maturité secoue complètement. Quintessence atteinte, vif de l'émotion ; chute libre dans un monde inversé. Pour Kazuki Tomokawa, quelle prochaine étape se fixer ? Disons-le franchement, le chanteur ne dépassera jamais le faîte de cette forme d'expression-là, un des plus beaux chants du cygne du mouvement folk au Japon. Son désespoir, par ailleurs, est prémonitoire. Quelques années plus tard, comme pour sceller le silence de Tomokawa sur les marches d'un temple, son frère Satoru se jettera sous un train.
note Publiée le vendredi 4 août 2017
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