Martyr Whore › SS Satan

Martyr Whore, des mystificateurs de génie ! Le chroniqueur avait beau jeu d’admirer leur propension à hisser la copie au rang d’art car cela était bien aisé mais quand le copieur s’est mis à développer un univers qui lui était propre (les références à Nietzsche, aux Bacchanales, le mouvement romantique, le sexe…), n’y avait-il pas risque que le faussaire génial en vienne à personnaliser ses sonorités ? C’est chose faite avec ce troisième opus. Certes, nous avons toujours affaire à du deathrock mais le groupe a modifié son angle d’attaque pour le rendre plus pernicieux, plus trouble. ‘SS Satan’ est la b.o. d’une fumerie d’opium (vu le nombre de références cinématographiques, l’image se justifie d’autant plus), la musique parfaite pour regarder au ralenti l’eau se troubler sous les caresses des gouttes d’absinthe…Dès le premier morceau, les Français nous captent dans un charme opaque, toxique. La naissance d’une tragédie…Rythme mid-tempo, guitares vénéneuses et toujours cette voix si particulière, légèrement paresseuse dans son débit, le temps d’entrer dans le vif du sujet…A partir de la troisième chanson, le battement se ralentit après le premier rush d’adrénaline comme si la drogue pouvait faire son effet tranquillement. Un ‘Renaissance’ en sonne quasiment cotonneux, l’auditeur l’esprit enivré de vapeurs et d’alcool s’avachit, s’abandonne…Même ‘The living dead’ ne dissipera pas entièrement l’aspect brumeux de ce deathrock. Un deathrock qui s’offre des sonorités plus cristallines, moins épaisses sur ‘Henri Heine’ (avec paroles en français, une première, pour une stimulation sensuelle, érotico-mystique) ou ‘SS Satan’. Jamais d’ennui ni de linéarité car Martyr Whore relance toujours la vapeur à temps (‘Harley Quinn’, ‘Cesar Borgia’ presque punk dans son tempo, ‘Hard Harry plus violent dans les riffs…). Le disque peut s’écouter aussi bien comme un tout très cohérent que titre après titre car les Français signent quelques belles pièces fortes mélodiquement ( ‘Jason Voorhees’, Harley Quinn’, ‘SS Satan’, ‘Witches’ ou encore ‘Birht of a tragedy’), preuve s’il en était besoin que cette alternance d’énergie et de mélancolie opiacée leur sied parfaitement. Délicieusement pervers, ‘SS Satan’ révèle ses charmes au fur et à mesure des écoutes et se traduit assurément comme l’oeuvre la plus personnelle d’un groupe qui ne renie pourtant en rien ses racines et sa vénération pour feu Rozz Williams.