Silent Scream › Carrion Screaming

Ecoutez un album de Silent Scream, c’est comme être menotté sur une chaise avec du fil barbelé dans l’obscurité…Ne pas respirer trop fort pour ne pas laisser la douleur submerger les sens, tenter de contrôler l’angoisse alors que la sueur pique les yeux et les blessures, fermer les paupières en quête de visions pour s’évader alors que les seules images qui nous viennent évoquent destruction et peine. Le pire est que l’on sent bien quelque part que cet exorcisme conduira à quelque chose de positif, une purge de l’esprit, d’où un plaisir masochiste à se taper des écoutes répétées de ce troisième album. Il faut dire que le groupe ne facilite pas la tâche en poussant toujours plus loin sa démarche. Plus âpre que jamais, sauvage, ‘Carrion screaming’ joue avec les nerfs par une production dépouillée, une écriture jamais confortable dans les mélodies jouant beaucoup sur les tensions, les cassures, des instants à la limite du silence histoire de méditer avant le déluge (‘I’m human, I'm sexual’ est de ce point de vue assez remarquable, la seconde partie agissant comme une véritable libération). Les Finlandais affectionnent un jeu de batterie guerrier, en roulements, sonorités agressives, avec une basse tellement tendue qu’elle pourrait lâcher à tout moment, des guitares un peu sales et des vocaux rageurs, colériques, qui paraissent toujours devoir vomir des choses trop difficiles à dire. Leur talent réside dans cet équilibre des forces, cette capacité à relâcher le garrot au moment où l’on frise l’asphyxie, avant de serrer plus fort encore. L’obscurité dégagée sur ‘Carrion screaming’ est opaque, bien trop épaisse pour qu’une quelconque forme de lumière y pénètre (même l’atmosphérique ‘We have plans for you’ ne s’autorise pas à relaxer à 100%); l’auditeur apprend donc à apprivoiser le noir, écouter, ressentir son corps, ce frisson qui donne la chair de poule, cette rage trop longtemps contenue qui crispe nerfs et muscles que l’on a envie de vomir à la face du monde sans le pouvoir…Car les chansons sont sèches, courtes; dès que le courage nous monte aux lèvres, il est déjà trop tard. Toute la signification du nom du combo prend pleinement son sens, de même que le titre de l’album. Un skeud pas facile d’accès, jouissif à l’échelle de la douleur qu’il provoque, à écouter très fort dans le noir le regard fixé sur un écran diffusant un gif du regard de Big Brother dans le film ‘1984’ dont il pourrait constituer la bande-originale occulte.