Les Rallizes Dénudés › '77 Live

Musique de destruction massive. Ce concert enregistré le 12 mars 1977 à Tachikawa a longtemps été le véritable Graal du record geek, consacrant en deux disques la quintessence du groupe alors à son apogée. Difficile de décrire l’importance de ce disque légendaire aux yeux de beaucoup de fans de rock psychédélique, même les plus rétifs aux déviances japonaises. Serait-ce par son esthétique sonore qui se réclame du style velvetien ? Le son agressif des guitares, les rythmes simplistes de batterie, la puissance hypnotique d'une basse en complet décalage y font écho. Résonance dans le temps également : tout autant que le VU a changé la face du rock occidental, les Rallizes auront donné le ton aux futures formations d’avant-garde nippones de noise psychedelia. Les sept morceaux au programme ce jour-là sont à faire crépiter la surface des globes oculaire et terrestre. Une larme versée devant chaque assaut électrique. La notion relative du temps semble y prendre forme, créant une ambiance magique cloîtrée entre des murs de bruits aux accompagnements simples, auréolés d’une voix angélique. "Enter the Mirror" trace le chemin à suivre pour une randonnée mystique d’une heure et demie, nous invitant à passer dans un autre monde, à nous laisser guider vers un ailleurs. Lui succède l’exceptionnel "Night of the Assassin", dont la basse dynamique rappelle curieusement Ben E. King et son "Stand By Me". "Ice Fire" et "Memory Is Distant" poursuivent l’expérience sonique comme pour vous retourner le cerveau, quitte à faire ressurgir vos élans nihilistes en l’espace de quelques dizaines de minutes. Le second disque est lancé par l’hypnotique "Strung Out Deeper Than the Night", un des morceaux de choix du psychédélisme massif des Rallizes Dénudés, bientôt chassé par "The Night Collectors" : le rythme s’accélère dans une tempête de distorsions, avant un moment exceptionnel de drone. Une façon de rhabiller pour l’hiver Up-Tight, Boris et Acid Mothers Temple. "The Last One" annonce la fin du concert de mars 1977 en atteignant un point critique de no-wave grinçante, brutale, lancinante, qui souffle définitivement les bougies du dixième anniversaire du groupe. Célébration du son brut, ce manifeste sanglant ouvre une plaie béante dans le rock. Rien ne pouvait préparer le monde musical à ces terroristes du bruit. Ce jour-là à Tachiwaka, les oreilles ont dû siffler comme une bombe H en pleine chute. Les retombées radioactives d’un tel événement n’en finiront pas de faire muter l’underground japonais pendant des générations.