Kim Ki O › Grounds Remixes Album

Un album de remix, à quoi ça sert ? Déjà un remix, souvent, on se demande, mais alors tout un album, piste par piste. Et même pas du classique, de l’underground déjà réservé à un petit paquet d’heureux initiés. En ce qui concerne l’album Grounds de Kim Ki O, ça fait circuler le son au sein d’une petite scène électro d’Istanbul. C’est un échange de bons procédés, probablement de gens qui se connaissent, se fréquentent. Vous connaissez l’Arkaoda ? Je suis sûr qu’ils y sont à peu près tous passés, dans la salle en bas, qui donne sur la terrasse. Alors Kim Ki O fait tourner et attend les retours. Que vont-ils en faire de leur post-punk minimal, aux fragiles mélodies cold-wave ? Le nom des artistes participants peut donner un indice. Komadub. Alphadub. Et même les autres. Grup Ses Beats. Le sound system 12metercube. On sent l’espace qui s’étire, se déforme. On voit venir les beats rebondis, le chaloupement vaporeux. Peut-être dans la foulée de BaBa ZuLa, en tout cas à Istanbul, le dub a pris sa place dans l’underground. Le dub, c’est du reggae froid en fait. De la pâte de reggae dont l’écho se propage en grandes ondes molles. Ca colle bien à Kim Ki O ce remodelage. « İnsan İnsan » fait effet cold-dub sans perdre ni la mélodie vocale, ni la sonorité aigrelette des claviers. Evidemment c’est plus spastic, ça remonte malgré tout la température de quelques degrés, mais à peine. La tristesse diffuse des originaux se voit infusée d’un je-ne-sais-quoi plus chaleureux, plus sensuel. Plus tordu aussi, dans tous les sens, les lignes de chants parfois perdues en cours de route, chassées par des percussions à la vivacité contrariante. « Biz Senle Eşit Değiliz » se fracture de partout, gronde de sourdes vibrations plus bad trip qu’autre chose, avec refoulées de l’original comme en apparitions fantomatiques. Ailleurs, « Bugün Yok Ki »  subit un traitement synth-pop du plus bel effet, avec même quelques ornementations à figures psychédéliques. Grup Ses Beat transforme sa matière première en trip-hop spatial vertigineux, Klaustro invite les Kim Ki O dans sa house, achalandée minimale dubby, juste ce qu’il faut des synthés originaux circulant dans l’air ambiant, vocaux découpés et respatialisés dans l’écho, les Midnight Walkers produisent une lancinante version électronique de « Yer Teorisi » qui s’ouvre en corolle d’arpèges colorés, plus séduisante que sa matrice. Alors, un album de remix, ça sert à quoi ? Ca sert à faire bosser les potes, déjà. Et puis ça sert aussi à faire du neuf avec du neuf, à remettre les pendules à une autre heure, où il se passe d’autres trucs.