SoapKills › The Best of SoapKills

Les rééditions, quand elles sont bien faites, c’est cool. Parce qu’il y en a encore qui veulent écouter de la musique sur un support autre que des mp3 pourris récupérés à droite à gauche. Parce qu’un objet avec de jolies photos, c’est pas dégueulasse. Surtout quand on parle d’un groupe comme SoapKills, fer de lance d’un underground libanais du début du siècle, dernier groupe trip-hop résonnant comme nécessaire à balayer les mauvaises ondes d’une ville comme Beyrouth, reconstruite froidement sur les ruines d’une guerre civile interminable. C’est pas comme si leurs trois albums avaient déjà saturé le marché. Loué soit Crammed Discs pour avoir ressorti ces petites merveilles, compilées de façon très cohérente par Yasmine et Zeid eux même, les deux Hamdan qui faisaient frémir de plaisir les nuits du pays du cèdre brulé. Comportant uniquement des titres chantés en arabe, évacués les débuts anglophones sous influence du premier album, et un seul instrumental en guise d’interlude, le dub oriental de « Marco Slow », ce « Best of » ne pourrait pas mieux porter son nom. Organisé de façon quasi-chronologique, même si on y retrouve les versions tardives et re-orchestrées de « Leh Zaalen » et « Cheftak » (jusque là inédite, ça aurait été dommage de la laisser dans les cartons), la compilation coule comme un album parfaitement construit, sans dissonance ni faux-pas de tracklisting. En gros, Zeid & Yasmine ont pris les huit meilleurs titres de leur dernier album, le plus chiadé, y compris les nouvelles versions de titres anciens comme le magnifique « Kasdoura », les morceaux les plus trip-hop des précédents dont le très hypnotique « Yahoo! », et quelques inédits parmi lesquels une revisitation plus posée (l’original était ponctué d’éclairs électriques) mais toujours aussi mélancolique de « Wadih », où l’électronique n’occupe qu’un rôle plus secondaire derrière une orchestration organique et délicate. Chaque album ayant sa chronique particulière, pas la peine de revenir sur chaque petite merveille de ce trip-hop assez minimaliste, oriental dans l’âme sans jouer aucune carte exotique, sur la voix de Yasmine, dont la sensualité n’a d’égal que la capacité d’évocation, qu’on comprenne les paroles ou non. Quoi dire encore sinon que le boulot fait par Crammed est enfin digne du groupe, avec une très belle pochette et livret illustrés de photos d’époque, de quoi se laisser aller à imaginer la vie de ces deux musiciens, aussi sexy l’un que l’autre au passage, dans le Beyrouth de cette époque-là, dont on aperçoit quelques rues, quelques plages, dont on devine la chaleur. L’album, enfin la compilation, s’achève sur un dernier inédit, une reprise de Farid el Atrash, immense star de la musique arabe, interprétée par une Yasmine en état de grâce, là encore sur une orchestration trip-folk vaporeuse qui pointe rétrospectivement sur la direction à venir pour la merveilleuse libanaise, après un passage par les dancefloors à moitié convaincant. A l’image de ce morceau, un dernier mot pour résumer la carrière de SoapKills, enfin justement réhabilitée : envoutement.