Hermano › Live at W2

Parmi les multiples chausses-trappes de la fonction de chroniqueur musical (rien que la dénomination fait frémir), il y a l’usage répété de clichés, usés jusqu’à la corde (tiens, ben voilà). Je vous en donne un : « ça prend une autre dimension en live ». Déjà, ça ne veut rien dire. Une autre dimension ? Appelez Mulder & Scully, voire Saga, chevalier d’Or des Gémeaux. Et pourtant, parfois, y a rien de mieux qu’un cliché, parce que le sens véhiculé est tellement évident que c’est la voie la plus efficace entre une intention et le message reçu et bien compris. Donc voilà : Hermano, ça prend une autre dimension en live. Non pas que les deux albums étaient médiocres. Inégaux plutôt. Et ben ces morceaux là, bien sélectionnés et bien joués… Ah oui parce que le live, c’est aussi le test pour un vrai groupe. Cessez de ricaner. John Garcia, ça fait bien vingt ans qu’il s’époumone quand sort ce live d’Hermano, capté quelque part aux Pays-Bas (merci au label). On a le droit de se poser la question sur ses prestations vocales. Enfin ceux qui connaissent le live de Unida ou qui ont vu l’animal sur scène rejouer les morceaux de Kyuss savent déjà qu’on viendra pas faire chier El Jeffe sur ce plan là. John Garcia est un des plus grands chanteurs de rock de tous les temps, pur, simple, point barre et compagnie. Bien urbain de le confirmer une nouvelle fois avec ce live infernal où les frangins décapsulent les bidons d’huile et bousculent les régimes. Y avait de très bons morceaux sur les albums studio de cette formation à mi-temps, mais là, sur scène, ça ferraille de tout bord, la machine Hermano se révèle comme le meilleur groupe que Garcia a mis sur pied depuis la séparation de qui vous savez. On entend pas trop la basse mais alors les riffs, les riffs, et puis ça n’hésite pas à faire bouillir la cocotte un peu plus que prévu, à prendre des détours de soli farcis de heavy psych qui sied à tout abus anticyclonique. Une petite formule tout faite peut-être ? C’est du lourd. Même la setlist, tirée à peu près à égalité des deux albums, ferait figure de suite de tubes si le groupe avait la réputation de ses capacités. Pour les idolâtres du coyote qui auraient épuisé les versions studio, c’est du petit lait, enfin de la Corona à la fraîche, que de se prendre en pleine gueule les ouragans, ce batteur fait montre d’un tempérament de cyclone, que sont ces interprétations burnéesbourrues de « Cowboy Suck », « 5 to 5 » (paye ton ouverture en deux temps qui dégage bien au dessus des oreilles) ou « Manager’s Special ». C’est comme passer du médoc générique à la molécule pure. Seul petit regret, qu’on n’y retrouve pas les tout meilleur morceaux de « …Dare I Say » (« Brother Bjork » aurait du être fabuleux), même si en bonus Garcia s’essaye sur une dose de « TNT », classique d’entre les classiques des australiens d’AC/CD, dont le ton sec et carré ne s’accorde pas totalement à celui, hyper graisseux et psyché sur les bords, de Hermano. C’est pas tout à fait la même bière, Garcia est naturellement plus groovy que ça. Ce type est à la fois mexicain, indien, shaman et Dieu du Désert, écoutez-le répéter ses « Well allright » comme un mantra sur cette fabuleuse version de « Life » où les guitares glissent vers le bluesy de quinze tonne pris dans la tempête de sable. « Alone Jeffe » ou « My Boy » en redonnent à retordre à l’héritage de QOTSA, tout comme « Quite Fucked » dans le registre le plus hardos déchainé. Une autre couche sur la qualité sismique des guitares sur les plus stoner garanti pur-sang de Palm Desert « The Bottle » ou « Senõr Moreno’s Plan » ? C’est à dire que les clichés ont déjà été bien pressés à fond, y a plus de jus. Alors que Hermano en a encore plein, du jus. Rasade, rasade, rasade !!!