European Ghost › Pale and sick

Si l’on me demandait de réaliser des clips pour les morceaux de ce disque, je les tournerais en noir et blanc et au ralenti, dans l’espace ou au fond de l’océan. Quelle atmosphère incroyable ! Spectrale, spatiale, envoûtante, toute en nuances et en montées. Si l’on parlait déjà de space rock, European Ghost développe le concept de space wave, de post punk des abysses; même sur les titres les plus rapides, le groupe conserve cette amplitude nocturne si spéciale en évitant toute épaisseur malvenue. Pas question pour autant de glisser vers un shoegaze ennuyeux, sa musique assume son obscurité, l’étend comme un ciel sur lequel les musiciens sèmeraient des étoiles à la lueur blafarde. ‘Trip on Mars’ pourrait être la bande-son parfaite d’un film de science-fiction tout en dévoilant les secrets du combo: des sonorités blêmes mais jamais trop synthétiques, un chant grave toujours légèrement en retrait, fantomatique mais jamais désincarné, un travail subtil de la rythmique qui s’étoffe imperceptiblement au fur et à mesure…Ce climat est repris sur l’excellent ‘Trip in the night’ (que j’aurais carrément placé en final pour ma part) qui pousse la démarche un cran plus loin en ajoutant une légère tension interlope, comme si on déambulait le long d’un boulevard désert à la seule lueur des réverbères après avoir fumé un énorme splif. Même des chansons plus ouvertement post punk et sombres telles que ‘Preset’ ou ‘Lost highway’ ne dérangent en rien ces ambiances; le groupe équilibre remarquablement sa production, peaufinant chaque détail. On songe presque à un Joy Division du futur ou à un New Order de film d’épouvante. Etouffant ? Même pas, on se sent bien dans cette nuit infinie dans laquelle on guette chaque lueur fugace, toujours à la limite du malaise mais sans jamais perdre espoir. ‘Pale and sick’ est un disque que l’on pourrait écouter après la guerre ou l’apocalypse nucléaire en errant parmi les ruines pour éviter de sombrer totalement, retrouver un sens de la beauté dans le chaos, une architecture au coeur de la désolation. Tout tient toujours à un fil. Magique.