Area › Crac !

En deux ans et trois albums, Area avait déjà achevé une belle petite carrière qui force le respect. Devenu énorme en Italie, autant par ses prises de positions politiques particulièrement appréciées par la population estudiantine, aucun groupe alors n'avait pu prétendre à l'accomplissement d'une oeuvre autant en osmose avec son époque. La contrebasse, l'emploi explosif des cuivres, mais aussi le jeu pointilliste du clavier et la batterie au swing irresistible de Giulio Capiozzo inscrivaient Area dans un terroir de toute évidence jazz. Mais l'impétueuse furie contenue dans leurs interprétations spectaculaires projettait le groupe dans une dimension bien plus grande. "Crac !" se veut l'album de la confirmation et de la synthèse. Ils vont attenuer le jusqu'au boutisme suicidaire de "Caution Radiation Area" en le juxtaposant à des structures rappellant leur premier essai. "L'Elefanto Bianco" reproduit le schéma de "Cometa Rossa", elle-même déjà copie presque conforme de "Luglio Agosto Settembre [Nero]". Mais ces titres redoutablement efficaces, en dépit de leurs redondances, sonnent comme des appâts auquel nul ne peut résister. "La Mela di Odessa (1920)", plutôt jazz funk, et les incroyables "Megalopoli" et "Nervi Scoperti" reconcilient mélodicité et sens du danger. La ballade acoustique "Gioia e Rivoluzione" va servir d'interlude avant qu'Area ne reparte de plus belle avec deux nouvelles pièces expériementales : "Implosion" et "Area 5", carrément free jazz. On ne change pas une formule qui gagne. On affine juste les traits.