Guts Of Darkness

Ma rencontre avec Alice Roosevelt s’est faite lors d’une première partie, vous savez, ce genre de moment où on débarque au concert, plus pressé d’aller se chercher une bière que d’écouter le groupe supposé ouvrir pour la tête d’affiche, celle pour qui on s’est déplacé. Et où malgré tout, quelque chose capte votre ouïe et vous tournez enfin la tête et les oreilles vers la scène. Alice Roosevelt joue une musique groovy, profonde également, avec les quelques trucs en plus qui tissent la limite entre une simple pop et l’aspect plus exigeant du post punk. Le premier point, et non des moindres, ces jeunes gens sont d’excellents musiciens, leurs compositions sont intelligemment écrites, combinant une accroche mélodique immédiate, des climats nocturnes, brumeux parfois (‘Surrender’), une impression de fluidité avec un vrai travail pour varier les structures. Moins sèche que celle de Gang of Four, moins flamboyante que celle de Interpol, la musique du combo s’abreuve pourtant aux même racines, tissant un jeu de tension et de relâche, de lumière et de larmes, de fraîcheur et de chaleur. Écoutez le départ de ‘Ghosts are never far’, c’est le regard porté vers le ciel au dessus des tours de béton, l’étincelle qui laisse rêver à un monde différent par delà la grisaille et la tristesse. L’énorme atout de Alice Roosevelt pour marquer la différence (car la post punk pop est un style assez couru de nos jours), c’est son chanteur avec sa voix tonique légèrement plaintive qui injecte une bonne dose de spleen dans les morceaux sans leur faire perdre de leur énergie. C’est assez typique de ‘Thanks to Mary’ (un tube, rien de moins), ‘Philosophers and reality’ ou sur les ambiances automnales de ‘The clan responded' (avec ses belles guitares froides de dimanche pluvieux au bord de la mer). Voilà visiblement de solides musiciens très au clair quant à la portée de leur musique, servie par une bonne production. ‘Alice Roosevelt serait la BO parfaite d'un enterrement en discothèque’, peut-on lire sur leur page Bandcamp, pas faux mais au petit matin, avec la fatigue d’une nuit de fête sur les épaules.