Naðra › Allir vegir til glötunar

Bon, oui, faut s’y remettre, faut regarder ce qui se fait de neuf. Des flammes semblent s’étendre au loin dans le paysage médiatique de l’extrême limite, venant de cette Auvergne faite île, un peu comme Clermont-Ferrand il y a trois millions d’années : l’Islande. Faite de volcans, de geysers et de quelques malversations financières de sinistre mémoire, ce pays punit le blasphème jusqu’en 2015, et fait en même temps exploser au firmament son black metal organisé autour du label Vánagandr dont les productions ont le vent en pou(l)pe, faisant claquer 666 fois la langue des gourmets - mais bon, on s’en fout du blasphème, on n’était pas là, c’est le même schéma, donc on s’en branle, on fait ce qu’on veut, même si on risque une amende, on connait la loi comme nul autre n’est censé la connaitre. Et puis je ne comprends pas l’islandais. J’en ai marre des traductions google merdiques. Donc pas d’explications de textes, donc on ne sait pas si le gouvernement aurait pu coller une amende au Naðra avant l’éradication parlementaire de l’anti-blasphème. Sinon, qu’est-ce qu’on voit sur l’illustration ? Un dragon ? Un ver solitaire ? M’en fiche, je mets la cassette : c’est quoi ce son pourri ? Ça flageole comme dans un vieil épisode de Derrick quand le téléphone sonne quand la sirène tonne, je me fais bouffer ma bande bordel à truite ! Je réécoute en numérique : meuh non, c’est fait exprès que la guitare elle soit gondolée comme ça, ouf ! En fait, le son va se rétablir petit à petit, et on rentre dans un vif du sujet très mélodieux, exemple typique d’un black metal qui se sifflote sous la douche en pleurant du sable, en faisant la moue sous la pluie de la damnation, tout plein de mousse. Un son organique, une polyphonie (derrière ça grogne, devant ça riffe, au-dessus ça trompette), que dis-je, une galette déprimée quoi. Toute triste. Très émotionnelle, je crois que c’est ça qui les fait cartonner nos islandais : leur capacité à chanter un black metal extrêmement pris aux tripes, on ne retrouve pas la guerre, on retrouve les cogites, on ne retrouve pas non plus le suicide, on retrouve plutôt l’ébahissement, on retrouve pas les sempiternels symboles éculés de la dissidence, on se retrouve bloqué devant le bon vieux mystère qui nous sourit en fronçant les sourcils, comme au bout de la troisième heure de Myst. Vous voyez ? Si vous ne voyez pas, essayez d’aller les rencontrer en concert ou en cassette. Ou sur internet, et vous verrez, enfin vous sentirez cette odeur de cendrier trop rempli, ce déchet blasé du matin, y a comme un drôle de serpent griffonné dessus, ça ne donne ni envie de mourir, ni envie de tuer, juste d’ouvrir la bouche en voyant se dévoiler tranquillement les entrelacs de l’hallucination collective qu’on appelle l’existence, ça tourne, ça se replie, ça volette entre les nuages, ça souffle du feu, ça brûle et recueille le résultat dans une moitié de crâne, tout cela rougeoie dans le noir, vous n’êtes plus seul. Putain, ils sont forts ces islandais !