Le fils de bâtard de Johnny Rotten (à moins que ce ne soit celui de Mark E. Smith ou de John Cooper Clarke, la mère n’a jamais voulu révéler la vérité), fan de CRASS et de Wu-Tang Clan (c’est lui qui le dit, hein), grand fan de culture mod (d’où la frange bien coupée sur le front) se terrait dans un pub pourri avec son pote, histoire de déblatérer sur le ‘fouckin’ capitalism’, la pop culture, le chômage et le reste… Avec un certain talent du reste… Et qu’est-ce qu’il fait le pote ? Il prend une basse et il gratte quelques notes, programme une boîte et lance le magnéto… Ça aurait pu se passer ainsi, c’est ce que j’adore chez les Sleaford Mods. J’ignorais tout de leur existence il y a peu encore jusqu’à ce que je mette la main sur cette compilation chez le disquaire et que le coup de foudre soit immédiat. Voilà l’essence même du punk réincarné dans un emballage post punk : une rythmique minimale mais hypnotique, épurée jusqu’à l’os, constituée de quelques notes de basse en boucle, d’un beat entraînant ; quelques bruits avec un clavier cheap ou quelques souffles de guitare complètent parfois. Pourquoi besoin de plus ? Surtout avec ce chant ni récité, ni rappé, ni chanté, mais un peu tout ça à la fois, emballé dans un délicieux accent prolo british. A la manière de ses faux papas, Jason Williamson débite son flow mordant, ironique, ponctué abondamment de ‘fouck off’ et de dialecte du Nottinghamshire, parodiant les idoles du punk ('Bambi', 'Pubic Hair Ltd'), porteur d'une même philosophie mais avec un regard contemporain ('Tweet tweet tweet'). On pourrait craindre la lassitude mais non, ça tourne, la musique parfaite des losers qui ont des trucs à dire, qui ont troqué la conversation de pub pour le micro. L’économie d’écriture hypnotise et le phrasé fait le reste, l’étiquette 100% rosbif achevant le tableau. Non mais matez-moi la dégaine des mecs ! Le mod de troisième zone et le yo qui ne ressemble à rien… La team parfaite, pas une faiblesse dans cette collection de singles, plus mordants les uns que les autres, qui donnent furieusement envie de se déhancher devant le bar en se renversant de la bière sur les manches.