Hüsnü Özkartal Orkestrası › Çağdaş Oyun Havaları

Voilà un de ces albums de « oyun havaları » avec pochette bonnasse. Et encore celle-ci est relativement sobre, ne jouant pas sur les représentations de danseuses du ventre à peine vêtues. Le titre indique que ces airs sont ici « contemporains ». La modernité au début des années soixante-dix, c’est la mini-jupe ! L’Occident en ligne de mire pour adapter ces airs de danses que d’aucuns reprennent dans les mariages et les bars en formations classiques. Ici, la rythmique repose sur basse/batterie, avec tout de même quelques percussions du cru, avec un mélange de solistes issus du folk traditionnel, en l'occurence clarinette et kanun, et du rock, claviers et guitares électriques. Et de passer à cette moulinette une série d’airs à danser sur des rythmes moins orientaux que purement répétitifs à tel point que parfois, on croirait entendre une sorte de motorik turc sur lequel viendraient se greffer les soli tour à tour issus de la tradition ou du psyché quand la guitare se fait très fuzz, nettement plus exotica quand elle surfe sur les eaux de la Mer de Marmara. Un des titres de l’album, par ailleurs assez obscur puisque jamais réédité, a trouvé son chemin sur une des innombrables compilation de « musique world psychée vintage », à juste titre car le plus impressionnant avec sa rythmique évoquant presque un CAN languide (j’ai dit presque, on se calme) et sa guitare acidifiée à mort, le redoutable « Şu Derenin Suları ». Un modèle du genre, dont la singularité pour ceux qui n’écouteront que ce titre hors-album vient de l’irruption d’un enivrant solo de kanun. Mais des assortiments de ce genre, il y en a d’autres à picorer dans cette collection de morceaux produite par Hüsnü Özkartal, alors qu'à d'autres instants les mélodies turques jouées au claviers alliées à une guitare surf évoquant celle de Zafer Dilek (serait-ce lui une nouvelle fois ?) fleurtent avec une certaine lounge d’époque, de musique d’illustration élégante, toujours finalement contrebalancée par le duo clarinette/kanun, fort empreint d’authenticité. Au final c’est bien la rencontre de la pop anatolienne et de la musique folk d’inspiration rom que propose cet album, sous une présentation assez racoleuse et finalement peu évocatrice. Dès que la guitare électrique super-fuzz fait son apparition, les hipsters iront trouver à cette musique des qualités "funky-psyché", en oubliant par ailleurs l’excellence des musiciens folk qui déballent des quantités de solis faisant honneur aux maîtres, on y entend même une improvisation d’accordéon sur « Evlerinin Önü Tahta Taraba ». « Erkilet Güzeli » rappelle de plus près ces orchestres roms dans laquelle une guitare estivale se serait glissée subrepticement. Les claviers orientalisent leurs synthèses analogiques et cèdent la place aux soufflants boisés et aux cithares byzantines. La batterie et la basse souvent se calent sur un groove imperturbable histoire de laisser se dérouler les ritournelles par dessus leur tapis tressés de lignes sans fin. Une certaine idée de la modernité finalement, simple et efficace, jouée par un orchestre de musiciens anonymes dont les airs soufflent une brise un peu exotique dans les deux sens. Aucune volonté autre que celle de rendre à ces airs de danse des couleurs chaudes et contemporaines, à la fois douces et acides, comme les amours avec les femmes trop belles.