Cryptic Slaughter › Speak Your Peace

« On l’appelle le fossoyeur ». Ben oui, faut bien la finir cette discographie de Cryptic Slaughter, même si c’est douloureux. Qui a apprécié la furie des premiers jets de ce groupe sera sans doute déçu par ce machin. En fait, il aurait peut-être pu paraître sous un autre nom vu que les trois-quart du groupe ont été remplacé par d'autres thrasheux du coin, la batteur de Wehrmarcht et deux membres de Crud, mais bon, on peut aussi aimer Napalm Death alors qu’aucun membre ayant fondé le groupe n’y prenait part quelques années plus tard, c’est pas pertinent comme critère. On va donc prendre le critère musical, cf. jurisprudence Morbid Angel. Ici, le propos est bien plus lent, plus posé, les morceaux beaucoup plus réfléchis, très « techniques », et pas déplaisants en fait, sorte de thrash « compliqué », avec morceaux tortueux à l’image de «  Co-Exist » dépassant les quatre minutes, plein de rebondissements, mais aussi tristounes qu'un cocker dans un film Disney où celui-ci incarnerait un révolutionnaire blasé s'étant fait écrabouiller par le rouleau compresseur de l'histoire. Malgré ces changements drastiques j’ai du mal à trouver que ce groupe soit en déconfiture sur ce disque, contrairement à la désintégration d’un Gang Green en groupe MTV ou de cet apaisement des D.R.I. ou Sacred Reich, ayant calmé leur propos mais sans trop garder de sel, juste un peu de poussière, laquelle s’accumulera sur les dits CD. Speak Your Peace c’est l’album avec des morceaux qui prennent leur temps, lorgnant vers une sorte de thrash « progressif » mais toujours aussi enragé politiquement, gardant ce besoin de dégueuler la vie du banlieusard américain qui se fait chier et s’arrache les yeux en regardant la télé et les restes du monde dans le journal. Cette formation splittera un an plus tard, preuve que la recette n’avait quand même pas reçu grâce aux yeux du public et du groupe lui-même… Cryptic Slaughter réémergera dans les années 2000 le temps de s'engueuler une dernière fois, composer un morceau et balancer un ultime regard sur le passé avec un album de reprises du temps du hardcore punk originel, de ces groupements proprement autonomistes ayant été depuis désintégrés dans le flux des avant-gardes récupérées par l’économie de marché puis par le néant qui, comme toujours, est le grand vainqueur. Tant pis.