Myra Melford / Han Bennink › Eleven ghosts

Voici un splendide album, à l'atmosphère épurée, qui démontre que les volontés d'émancipations d'une musique, et en l'occurence du jazz, ne transite pas systématiquement par le bruit. A vrai dire, "Eleven Ghosts", enregistré pour un programme de la radio suisse romande, n'est presqu'exclusivement qu'affaire de rythme. L'extraordinaire Han Bennink nous fait son numéro du premier au dernier titre et nous montre qu'il n'a rien perdu, ni de de sa vitalité, ni de sa musicalité et de sa perspicacité avec l'âge. C'est pourtant la pianiste Myra Melford (collaboratrice régulière de Dave Douglas et Henry Threadgill) qui tient le haut de l'affiche et le duo qu'elle compose avec le batteur hollandais est aussi subtil que savoureux. C'est une osmose totale qui s'opère entre les deux musiciens, si bien qu'on ne sait pas qui de Melford ou de Bennink dessine le premier la mélodie sur laquelle ils vont venir improviser. L'approche percussive de la pianiste (qui n'hésite pas à se pencher sur son piano à queue pour jouer avec ses cordes) va précisemment dans ce sens, accentuant encore l'aspect polyrythmique que Bennink assume pourtant très bien tout seul. Ça peut sonner classique ou contemporain, et par extension aussi peut-être un peu hautain et austère, mais quelques titres aux ambiances blues ou ragtime ("Some Relief", "The Maple Leaf Rag") perverties démontrent qu'on est loin du compte.