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Les Rita Mitsouko › Rita Mitsouko

  • 1987 • Virgin 869072 • 1 CD

cd • 14 titres

  • 1Restez avec moi
  • 2Jalousie
  • 3Le futur no4
  • 4La fille venue du froid
  • 5Yaktagan
  • 6In my tea
  • 7Marcia baïla
  • 8Oum khalsoum
  • 9Amnésie
  • 10Don't forget the nite
  • 11Galoping
  • 12Dans la steppe
  • 13Minuit dansant
  • 14Aïe (kriptonite miss spleïn)

extraits vidéo

informations

Conny Plank's Studio, Allemagne, Rita Mitsouko Studio, France.

line up

Catherine Ringer (chant, orgue, piano, guitare espagnole, basse, batterie, synthé, programmation), Fred Chichin (guitares, guitare sèche, basse, tambourin, batterie, programmation, clochettes, Emulator)

chronique

  • glam discoïde > pop à gnaque

Libres et affamés. Les Rita Mitsouko sont aux abois quand paraît ce premier album. Illustres inconnus en décalage avec le tout-synthé qui ravage alors les charts, ils vont décrocher la lune avec le classique que l’on sait, mais les choses sont loin d’être évidentes à l’écoute...

Déjà, le ton est bien moins accrocheur qu’on pourrait penser. La froideur et raideur de la face A surprend, quand on connait les sempiternels succès radiophoniques du groupe. Une face A aux sonorités brutes, tendance cold (wave ?), avec raideur-froideur surlignée de khôl de rigueur (goth ? non, mais les goths ne peuvent que tomber amoureux, ici).

La face B ? Méditerranéenne, chaloupée des hanches et parsemée de touches de couleurs nerveuses comme une toile de Braque (aucun jeu de mot sur le hold-up Marcia Baila, aucun !!). Et la face A est donc la face plutôt Vasarely. Ainsi les motifs répétitifs de « Reste Avec Moi » sont l’idéale illustration du trait de caractère éminemment féminin dont Catherine fait l’éloge. C’est Calypso qui retient Ulysse au fond du congel, entre les claviers-glaçons qui tintent et la bouteille de rhum oubliée au fond. Ici, petit détail à divulguer, Ulysse est un dealer d’héro repenti ayant tâté du caniveau dans ses années de punk toxico, et Calypso est une ex-actrice porno assumant parfaitement et arborant un air un peu cinglé et un regard fou qui transforme le décalage en génie pur. Malgré le passé trouble, on ne séparera pas ces deux-là de sitôt, d’ailleurs la carrière cinématographique de la Ringer est mine de rien évoquée dans « La Fille Venue du Froid » (j’y viens), ce qui reste une forme de courage iconoclaste quand on sait qu'elle avait déjà d’autres expériences à raconter, dont on ne parle que trop rarement… Comme des expériences au théâtre (avec un passage sous la direction de… Xenakis !) et un père peintre à la vie mouvementée, Sam Ringer… Tout ceci semble hanter le résigné et altier « La Fille Venue du Froid », chanson énigmatique, aux synthés dégoulinants et à la boîte à rythme bien poisseuse comme on savait les pondre en 84. Zéro souplesse, mais des hectolitres de crampes au cerveau, contrepied absolu et radical à Marcia Baila. Catherine semble vouloir s’anesthésier, foutre son corps à la morgue et plonger dans l’« Amnésie » qui sera d’ailleurs le troublant mot de la fin.

Autre correspondance d’une face à l’autre, l’acidulé « Oum Kalsoum » (au texte à la limite de la folie douce, digne de Brigitte Fontaine) qui répond à la candeur de « Reste Avec Moi ». « J’ai sans trop d’histoires, un grand espoir » chante-t-elle timidement sur un de ces refrains matinaux et embués dont l’album est étonnamment rempli. Sentait-elle que le méga-carton était à portée ? De chaque côté, chaque titre est un petit monde en miniature, aux timbres et délices synthétiques adaptés à chaque chanson, collant au plus près aux textes spontanés et merveilleusement évocateurs de Catherine.

Ulysse-Fred Chichin, biberonné aux 70’s, aurait pu faire des Rita une opération séduction à la Bashung, et foutre de la guitare partout, il n’en est rien. L’homme a le génie de la discrétion, comprenant surtout qu’il faut servir au mieux la divine vocaliste. L’ossature rock est là, mais cachée. Citations de « You Really Got Me » par-ci, arpèges stoniens par là… Tout est discret, seule la dynamique (glam on vous dit !) rock charpente le tout. Car oui, il faut assurer derrière une performance comme celle de « Jalousie », monstre absolu de vérité et hargne où la diva se grime en macho pour mieux viser juste, salement juste, redevenant chipie narquoise à l’œil rieur sur le pont sautillant, avant de rebasculer dans la rage grimaçante la plus masculine (rage restant un mot féminin…) quand repart le binaire fatal. En plus de parler d’enculer des mères (je cite !!), cette chanson justifierait à elle seule la note maximale sur n’importe quel album, tant chaque seconde transpire la sincérité la plus bassement humaine… Suffit d’observer autour de soi. On se gardera bien d’imaginer qui du muet Chichin ou des ex de la Ringer a inspiré ce brûlot sans concession.

Et donc, vous l’avez vu venir, on en vient nécessairement à l’autre pièce maîtresse, éclairant la face B comme une lava lamp rose et verte, l’immortelle Marcia Baila, festival de mélodies et de groove qui portera logiquement le duo vers la popularité jamais démentie qui fut la leur. Ça frise le cartoonesque, ça jungle en carton, ça monte en bulles de sève jusqu’à la supplique la plus déchirante, ça se déhanche dans les synthés-cuivres rigolos comme dans un boa en plume, ça se trémousse dans un jeu de miroirs en grosses notes givrées-glaçées, ça décolle dans les graves façon Nina Hagen-Daasz, et en définitive ça ne se refuse strictement rien comme une nuit d’ivresse un soir où c’est Michou qui paye, vous pouvez y aller, l’addition sera réglée, c’est la maison qui offre… Une citation absurde et débile de « Let’s All Chant » comme si on était au Studio 54 ? Allez-y, c’est pour moi. Un solo de piano empreint de saudade juste avant, aussi humidifié que celui du break de « Halleluwah » de Can ? Faites-vous plaisir, comme si on était dans le studio de Conny Plank, le gourou du krautr… eh mais, attendez voir, on y est justement. Y’a pas de hasard si ce très grand malade de Conny Plank, dont je vous laisse chercher l’incommensurable pedigree, a produit une partie de ce disque, lui qui arrive à garder la même fraîcheur qu’il bosse avec un groupe de pop ou bien de crevards psyché-drone teutons défoncés.

Ne restait plus qu’à emballer le tout dans une pochette parmi les plus originales qui soient (sorte de crèche futuriste bricolée dans une télé démontée, avec mise en abyme et détails à scruter en version vinyle), et on avait un des plus grands, un des plus cool, un des plus improbables albums de pop toutes catégories. Si les Rita Mitsouko n’avaient fait que ce disque, n’en avaient vendu que 30 exemplaires, sans clips, ni costumes délirants, ni exubérance, eh bien ils n’en seraient pas moins ce qu’ils sont au plus profond : un duo couvert de gloire. La Gloire d’être parmi les tout meilleurs.

note       Publiée le samedi 26 décembre 2015

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Rita pour Rita Hayworth, Mitsouko pour une fragrance signée Guerlain… Pas une chanteuse (d’où l’ajout du ‘les’ par la suite pour éviter toute confusion), un duo bricolo-wave improbable né de la rencontre du guitariste Fred Chichin (déjà nanti d’une certaine expérience dans des combos rock et punk) et de la chanteuse Catherine Ringer (également danseuse). Atypique, imaginatif, provocant, le groupe parviendra à se tailler une place de choix dans la variété française sans renier son intégrité ni son univers coincé entre une version seconde-main des cabarets de Pigalle, les tentations new wave, un goût du DIY hérité du punk, et une boulimie d’influences musicales allant du folk aux musiques du monde. Premier album et un hit énorme, ‘Marcia Baïla’, dédié à la danseuse Marcia Moretto qui avait donné des cours à Catherine. Non prévu comme single par la maison de disque, son passage intensif sur les ondes des radios libres inversera la donne. Guitares de guingois, cuivres synthétiques limite too much, un chant poussé dans des intonations aux limites de la caricature et pourtant, on ne rit pas du tout: faire danser sur le thème du cancer, tel était le pari. Ne pas sombrer dans le tragique, garder l’énergie pour immortaliser Marcia telle qu’elle était dans son art. Mission accomplie, on devine l’émotion dans les intonations d’une Catherine au top de sa forme et on peut bouger sans remord. En face B, ‘Jalousie’, nettement plus grinçant, témoin de la gouaille franche de l’interprète avec ses phrases comme des rasoirs (‘À ta merci tu voudrais l’avoir, cette pute, cette femme, cette salope, chéri, merde à la fin’…), rythmé par les accords secs de Chichin. Un de mes favoris du groupe, simplement. Ah oui, je glisse un mot sur ‘le Futur no 4’ : de la pure cold wave, avec boîte fraîche, groove mutant disco glacé, sonorités synthétiques distordues. Une perle (de glace) dont la séquelle, ‘La fille venue du froid’, confirme l’intérêt du duo pour la new wave malgré les allures de titi des années 30. Revenons à nos moutons, secouons la boîte à surprises et voilà ‘In my tea’ avec ses rythmes folklo-tziganes urbains décalés et froids, ‘Oum Khalsoum’ plutôt asiatique dans ses lignes et son dépouillement. Et n’oublions pas la fête foraine cold wave emballée sur synthé à piles ('Amnésie') ou ‘Restez avec moi’, le single voulu à la base par la maison de disques et qui rencontrera peu de succès. Le moins bon de l’album à mon sens. Oui, il bouge bien avec son petit côté rock acoustique mais bon, ça ne tient pas la comparaison face à la créativité que représente le disque, véritable fourre-tout et mine à découvertes. Il donne l’impression d’avoir été enregistré au fond d’une cuisine et pourtant a été produit avec soin par Conny Plank (la version CD mériterait par contre un remastering pour plus de punch). À l’image du groupe apparemment peu soucieux de son visuel (rappelez-vous Catherine et sa dent en moins) qui y accordait au contraire une grande attention. D’où la vraie cohérence de cet amas hétéroclite de new wave, de rock, de cabaret et de chanson, comme sa pochette colorée, nocturne, mécanique, onirique… À noter cinq chansons supplémentaires sur la version CD qui n’ont rien d’un remplissage inutile, à commencer par l’excellent ‘Galoping’ avec sa touche wave fofolle, idem pour ‘Minuit dansant’ capable de fusionner bal ambiance Butte Montmartre et pop synthétique, tout ça sous le signe de l’éthylisme… 4,5/6

note       Publiée le dimanche 20 décembre 2015

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nowyouknow Envoyez un message privé ànowyouknow

Faut que je les réécoute ces deux là. Et Niagara.

Eliphas Envoyez un message privé àEliphas

Bah voilà, j'ai commandé le cd, vous m'avez donné envie!

allobroge Envoyez un message privé àallobroge

Merci les gars pour cette salutaire piqure de rappel et Marcia Baila à jamais dans nos cœurs.

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nicola Envoyez un message privé ànicola

Bon, Odeurs maintenant ?

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Shelleyan Envoyez un message privé àShelleyan
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Pourquoi ? Question de goût...A priori, les Rita n'étaient pas un groupe à entrer dans ma catégorie d'intérêt et pourtant...C'est pour ça que je les aime. Mais J'ai quand même du mal avec 'Restez avec moi' ou 'Dans la steppe'. Blague mise à part, je serais plus près du 4,74 que du 4 ^^. Excellente, ta chronique.

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