Prolonger l’expérience Mohammad avec des saxophones, ça vous tente ? Les plages de nuages, de ciel lourd, de l'orage qui attend et le mal de tête qui s'installe ? C'est la proposition indécente de Rutger Zuydervelt – plus connu sous le pseudo assez immonde de Machinefabriek, je suis heureux qu'il l'ai abandonné – qui, en plus d'entretenir une ressemblance assez troublante avec l'un des musiciens de José and the buttsluggers, signe ici son album le plus consistant. Lui aussi influencé par le cinéma contemplatif qui gratte, Rutger a eu cette ingénieuse idée d'inviter deux gars pas banals, l'un Colin Webster l'autre Otto Kokke, des fous furieux Dead Neanderthals, pour qu'ils lui balancent de longs drones graves et bossus, entre deux couinements grincements, que ledit Rutger retravaillera en studio avec amour (enfin, pas seulement de l'amour, mais aussi une guitare électrique, des micros contacts, des samples, fields, trucs, cassettes et tout le bousin) afin donc de livrer ce Sneeuwstorm aux relents de tempête qui n'arrive jamais. Je me demande d'ailleurs dans quelle mesure Rutger s'est inspiré du très bon Take Shelter, tant son disque rend parano. Le tonnerre sourd et les zozotements des moustiques. Le bourdonnement désagréable à l'intérieur du tympan. La comparaison avec Mohammad se justifie surtout sur la deuxième moitié du titre, étrangement mélancolique dans sa tonalité, comme si la tornade qui arrivait n'était en réalité qu'une image rémanente de la tornade qui s'était déjà réalisée. Quelque chose de l'ordre du trop tard. Des pipelettes qui se taisent brutalement quand elles se rendent compte. La toux gênée de l'embarras. Les valises qu'on défait avec empressement. Et puis la perspective d'un lendemain qui n'existe déjà plus. Quelle autre note voulez-vous que je mette à ça ?