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Mano Solo › Les Années Sombres

  • 1995 • EastWest 0630 11606-2 • 1 CD

cd • 17 titres • 57:34 min

  • 1C'est en vain
  • 2Tango
  • 3Soir de retour
  • 4Y'a maldonne
  • 5Paris boulevards
  • 6Dis moi
  • 7Tu t'envoles
  • 8Barbès-Clichy
  • 9Quand tu me diras
  • 10Une image
  • 11À pas de géant
  • 12Les poissons
  • 13Mes amis d'enfance
  • 14Le limon
  • 15Je reviens
  • 16Tous les jours
  • 17Pont d'Austerlitz

informations

line up

Mano Solo (chant, guitare), Napo Romero (guitare), Éric Bijon (accordéon, percussions, marimba), Christine Jaboulay (violon), Patrick Gauthier (piano), Slavic Beriaguine (basse), Jérome Marchand (violon), Anne-Gaëlle Bisquay (violoncelle), Richard Bertrand (piano), Stephane Henoch (violon), Sandrine Drigon (piano), Pascal Reva (batterie, percussions)

chronique

Il faut être d'humeur, pour accueillir le frêle et le râle du damné parisien. C'est un peu comme revoir Naked de Mike Leigh, ça ne me prend pas tous les mois. D'ailleurs, pour être honnête, je ne sais toujours pas si j'aime vraiment sa musique ou si je me l'inflige. La Marmaille Nue fût déjà une épreuve, et Les Années Sombres, encore plus touffu de titres, d'afflictions, mais plus brouillon, en est une autre. Et c'est encore davantage un voyage au gré du vague-à-l'âme, la suite de cette soirée mélancolique à la lueur des réverbères... Les cuivres ont disparu, mais les faubourgs sont plus que jamais parés de couleurs chaudes. Chaudes comme le sang. La pochette - aux mêmes couleurs que Guts of Darkness et ornée d'un titre sans appel - est fidèle, cette âme fendue peinte par Mano l'est tout autant. Paris est un Enfer aux multiples fleurs, et le famélique tient la faucille qu'il a volée à cette dame en noir qui le fait languir... Touchant, écœurant, insupportable parfois (dans le sens d'insoutenable, aussi). Toujours autant d'influences exotiques (latines, afro, américaines, manouches...) sans aucun mauvais goût à la Lavilliers, dans la musique du décharné. Et toujours cette écorchure tenace laissant suinter sa misère, en flots crispés. Mano Solo c'est de la chanson... Vivante. Avec lui, vous avez affaire à un homme qui chante souvent sur une musique festive, colorée, chaleureuse. Et qui avec ces fruits est peut-être le seul qui parvienne à autant vous désarmer... Pas sur toute la durée des Années Sombres, avec ses dix-sept morceaux en vrac façon brocante et feux follets de souffrance... car comme Léo Ferré, il peut agacer, donner la nausée - c'est voulu - avec son caractère entier, pas dégrossi, brut d'âme. Sur cette musique, sur ces instruments triomphants (ironie) et ces danses de bal (amertume) se posaient comme des corbeaux (cruauté) ces mots les plus naïfs, presque enfants, sans peur du ridicule, balancés comme des fardeaux... Mais les paroles n'ont guère d'intérêt en elles-mêmes en fait : on saisi les mots dans le flot exténué, le génie littéraire est hors-sujet, c'est la façon de les chanter qui fait tout. Les Années Sombres est à coup sûr l'un des albums du terroir les plus à sa place dans nos pages, malgré l'accordéon, cet instrument subversif (français), malgré ces clichés de Paname qui très souvent me gonflent. "En vain" débute comme une chanson cliché de guinguette, avant d'être lestée par des notes dramatiques. Ambiance en clair-obscur entre bistrot et manoir... Pathos lucide. La seule chose dont ait jamais parlé Mano Solo avec sa voix éraillée crari hardcore ? La douleur. Et plus précisément : la douleur de rester en vie. Avec des chansons qui dépècent sans relâche ce sentiment d'impuissance, ce sentiment de ne rien pouvoir faire pour que ça s'arrange, de n'avoir aucune prise sur la chute vers le néant, même si on ne peut pas le limiter à cette nasse avec ses chansons-paysages. "Cliché", oui... Vous avez mis le doigt dessus, vous êtes dans le vrai : comme l'est le blues, comme l'est la soul, à leurs origines, et comme toute musique ayant pour source les tourments de l'âme. Et s'il faudra rajouter un cliché à un autre, comme j'aime en user pour en purger la vérité puis la recueillir toute nue : j'ajoute que les folklores latins sont le nid le plus propice à la torture sadique des sentiments. Les musiques du Nord sont rarement capables d'avoir une telle violence crue, pour des raisons qui tiennent autant du climat que de l'humeur qui en découle, plus pudique, plus à carapace... Alors que celles du Sud t'injectent leur venin par le Soleil. Et si comme Mano nous en sommes les ennemis, à errer dans les rues la nuit, il a su s'en habiller, se vautrer dedans, pour purger sa douleur, plutôt que d'user de synthétiseurs froids ou de guitares électriques stridentes. Sincère à ne pas en crever. Alors si toutefois vous trouviez le moyen d'être surpris de la présence de Mano Solo sur les archives sombres et expérimentales à l'écoute d'un morceau aussi cafardeux que "Dis moi", dites-vous que c'est parce qu'il avait le sida - si vous êtes assez fins et intelligents pour cela. Dites-vous qu'il ne tablait que sur sa maladie, ou que c'était juste un chanteur à festivals, un mec de la fête de la musique avec des chansons proprettes pour écolos... Alors si vous êtes assez vaillants, écoutez ce disque imparfait mais généreux, ou son premier album culte chroniqué par Saïmone, et si le pathos vous en dit son troisième. Moi un seul à la fois sinon je me sens mal... Mano Solo était - du moins à ma connaissance - un des rares chanteurs qui puisse vous mâcher le cœur avec une telle férocité, une telle vivacité, aussi fragile et dark que Daniel, sans user d'aucun son gothique... Juste avec du musette, du tango, du flamenco, de la salsa, de la musique manouche aussi ("Une image"), du jazz (l'enfant et le combattant qui clignotent à la fin de "Sacré Cœur") et un brin de southern et d'insulaire aussi ("Chacun sa peine")... En vérité, avec toutes les musiques les plus chaudes qui soient, porteuses des lamentations de ce gosier aride. Vaines. Sans écho... et cette faux, à qui on tend le ventre.

note       Publiée le jeudi 25 juin 2015

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saïmone Envoyez un message privé àsaïmone
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Oui, un album très inégal, que j'ai personnellement du mal à définir, de savoir de quoi il parle vraiment, et qui a en plus le malheur de se retrouver coincé entre deux disques superbes. Mais "à pas de géant", brrr...

Note donnée au disque :